Jusqu'où peut-on aller dans l'autogestion ?
Version texte
Yaël Question d'asso, le podcast part et pour les asso.
Karl Imaginez une organisation qui tient toute seule, sans chef, voire même, soyons fous, sans paperasse administrative. Pas de travail à superviser, pas d'assemblée générale à préparer, pas de comptabilité à boucler, une autogestion poussée à l'extrême où chacune et chacun des membres est autonome dans ses prises de décision et la structure maintenue à l'écart du contrôle de tiers extérieurs et pas des moindres, l'État, les banques, etc. Dans un contexte toujours plus réglementé, voire autoritaire, l'image laisse rêveur. Est-ce seulement possible? En théorie, la forme associative est assez souple, mais dans la pratique, Comment s'assurer de la pérennité et de la bonne santé économique de son activité? Comment garantir une équité d'accès à l'information à l'ensemble de ses membres? Quels organes mettre en place pour organiser le conflit et prévenir les abus? Ce sont ces questions que nous vous proposons d'aborder dans ce 13e épisode de Questions d'asso, le podcast par et pour les asso, en partenariat avec la MAIF et la Métropole de Lyon. Ce sujet nous a été soufflé par un auditeur qui est aujourd'hui avec nous, puisque Ludovic, tu as proposé de témoigner du mode de fonctionnement des épiceries autogérées que tu as suivi et participé à créer dans les Hauts-de-France, avec, entre autres, et tu nous expliqueras tout ça, les structures COP Lib et l'arrosoir. Bonjour Ludovic. Oui, bonjour. Et surtout, merci pour ce sujet qui nous fait toucher de près ce qu'on peut appeler une pratique, en pratique, une utopie concrète. Nous sommes également accompagnés de Matthieu Castin, de la coopérative d'expertise comptable et de conseil Finacoop dédiée à l'ESS et particulièrement aux assos. et on reviendra avec toi sur les obligations administratives liées au statut associatif. Bonjour Matthieu. Bonjour. Et pour animer ce podcast, j'ai moi-même le plaisir d'accompagner Yael. Salut Yael. Salut Karl. Cet épisode de Questions d'Asso est réalisé par Guillaume Desjardins de Synchrone TV sur une musique de Sound of Nowhere. Vous pouvez vous abonner à Questions d'Asso sur votre plateforme de podcast préférée sur Apple Music, Google Podcasts, mais également Spotify, Deezer et SoundCloud. Vous pouvez également écouter ce podcast directement sur notre site web www.questions-asso.com où vous retrouverez une version textuelle de ce podcast, on est à jour, je tiens à le préciser. Nous sommes très heureux d'être avec vous pour ce nouvel épisode de Questions d'asso, installez-vous confortablement et c'est parti! Et on retrouve Yael pour l'édito.
Yaël Merci beaucoup, Karl. Waouh. Alors aujourd'hui, on a du lourd. Ludovic, tu nous sors de notre zone de confort. Si vous avez l'habitude de nous écouter un petit peu, vous aurez sans doute remarqué qu'avec Karl, on est du genre carré, pour ne pas dire un poil psychorigide sur les bords. On aime bien que les choses soient structurées, et pire, on est de celles et ceux qui structurent. Et ça nous arrive même d'être payés pour ça. Donc c'est vous dire, on part de loin. Dans nos assos, cela a donné lieu à des choix stratégiques radicalement différents. Donc notamment pour Karl, la professionnalisation, le choix de salarier des personnes, plutôt d'avoir des subs, de se structurer au sens professionnel du terme. Classique. Au mouton, au contraire, ça a été un peu un rejet de tout ça, une volonté de rester dans une forme d'amateurisme. Je ne sais pas si les membres apprécieraient la formule, mais bref, en tout cas, le choix de refuser les prestations, de ne dépendre d'aucune subvention, et surtout de ne pas rentrer dans une logique employeuse. Mais dans les deux cas, et Karl, tu me diras si tu en as la même lecture que moi, Cela correspond à une volonté de clarification du mode de gestion et du statut et d'éviter à tout prix les zones grises pour s'assurer d'être bien dans les clous. Quand dans l'épisode sur la fonction employeur et les obligations qu'on ait en droit d'attendre de son employeur, Simon Cottin-Marx, sociologue dont on attend le nouveau livre avec impatience, nous a dit en substance, je tire le trait, la loi c'est la théorie et dans la pratique on fait ce qu'on veut, on était un peu en PLS avec Karl, mais comme vous le voyez on se soigne et c'est justement pour ça qu'on fait ce podcast. Donc pour revenir à l'autogestion, je tiens à préciser que le modèle que tu vas nous présenter, Ludovic, est assez particulier et radical dans sa forme, parce qu'il y a plein de manières d'être en autogestion. Et d'ailleurs, peut-être que Matthieu, tu pourras aussi nous en dire deux mots sur comment ça se passe à Finacoop. Mais donc du coup, pour commencer, l'autogestion n'est pas l'absence de gestion. Donc pour reprendre un terme de l'historien Pierre Rosanvallon, qui a écrit à l'époque où il était militant à la CFDT, alors j'ai écrit encore, je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui, mais visiblement il était très actif dans les années 70, donc il a écrit l'âge de l'autogestion l'autogestion est l'exercice collectif de la décision, en d'autres termes au delà de l'appropriation sociale des moyens de production, il s'agit pour la classe ouvrière de contrôler les moyens de pouvoir donc je parle de classe ouvrière à dessein, l'autogestion a connu son heure de gloire dans les années 60-70 elle a été popularisée par la Yougoslavie communiste de Tito et en France on garde l'image de l'expérience autogestionnaire de l'usine LIP en 73 etc donc l'autogestion c'est avant tout sortir la classe laborieuse, comprendre les gens qui travaillent, de l'aliénation capitaliste, comprendre ceux qui vivent du travail des autres, donc les propriétaires, les actionnaires, etc. Je ne résiste pas à vous partager cette belle citation d'un ouvrier de LIP que j'ai trouvé dans l'émission à l'origine de l'autogestion, l'épopée des LIP sur France Culture. L'expérience est très intéressante vraiment de vivre en homme libre dans l'usine. Je trouve que la formule est quand même assez belle. Et du coup, toute l'idée après va être comment? Ça veut dire quoi? Vivre en homme libre. Donc, effectivement, sur le comment, et pour le moment, de ce qu'on a pu voir, c'est assez libre. Les théoriciens, qui sont très hétéroclites, il y a beaucoup de gens qui ont écrit dessus, semblent s'accorder sur l'idée qu'on est dans une forme d'expérimentation constante, ce qui dit beaucoup de choses. Et notamment qu'il n'y a pas de structure prédéfinie, que c'est aux collectifs de trouver leur propre organisation. Néanmoins, de nombreuses, d'ailleurs féministes, je pense à Jo Freeman dans le texte La tyrannie de l'absence de structure, qui nous avait été présenté par Margot Langlois dans l'épisode « La démocratie est-elle le propre des assos? » mais aussi plus récemment à Starhawk, qui écrit beaucoup sur le sujet et sur ces questions, ont alerté sur les risques d'absence totale de structure, abus de pouvoir, invisibilisation du travail réalisé, notamment du sale boulot, donc celui qui n'est pas visible de l'extérieur, pas valorisé socialement, souffrance au travail. Ce n'est pas un hasard si dans la prévention des risques psychosociaux, on parle souvent de la nécessité de formaliser les règles, les manières de faire, Parce que même quand les règles ne sont pas dites, souvent il y en a qui sont implicites. Et au-delà du fait de ne pas les connaître et que ça pose problème, c'est surtout que la transparence permet de les négocier individuellement et collectivement et de poser les cadres de l'organisation. Tout ça pour dire que quand on a reçu ta proposition, Ludovic, forcément, ça nous a interpellés. Tout d'abord, le premier truc qu'on s'est dit, c'était qui porte la charge mentale dans ces structures? En d'autres termes, qui fait tourner la boutique si rien n'est formalisé? Mais peut-être que tu nous diras qu'il y a quand même de la formalisation quelque part. Et le second, comment ça peut être légal au regard de toutes les contraintes administratives qui pèsent de plus en plus sur les assos. Surtout que je crois, mais en fait je crois que je m'étais trompée, qu'il y a peut-être des salariés dans vos épiceries. Mais voilà, tu fais le nom de la tête. Donc en fait, mais tu nous diras quand même. Et en plus, on est très heureux surtout d'avoir Matthieu sur le côté légal pour éclairer un peu tout ça. Parce que je vous avoue que nous, ça nous a surpris. Mais alors en plus, quand j'en ai parlé à ma comptable, elle aussi, elle était en PLS aussi complètement. Elle m'a dit, mais ce n'est pas possible. Bon, bref, je vous passe tout ça. Bref, donc comme tu vois, Ludovic, on a beaucoup de questions pour toi et on a bien hâte que tu nous présentes comment ça fonctionne pour vous et en voir si ça peut mettre ça en place chez nous.
Karl Ouais, et donc Ludovic, merci encore pour ce beau sujet. Merci d'être donc avec nous aujourd'hui pour partager le mode de fonctionnement des épiceries autogérées, que vous appelez aussi des épiceries libres et que tu as aidé notamment à mettre sur pied dans les Hauts-de-France. A priori, il y en a plusieurs. En préparant l'émission, on est tombé sur une quinzaine d'épiceries, Cocoricoop, Haricoop, Le Peuplier, La Entraide, etc. Mais aussi sur deux autres structures, donc Cooplib et L'Arrosoir, qui semblent avoir un rôle plutôt d'accompagnement, voire de conseil. Donc, avant de commencer la fameuse carte d'identité qu'on reproduit à chaque épisode et qui permet de situer nos invités dans le vaste monde des assos, est-ce que tu pourrais nous faire un peu la cartographie rapide des différentes structures et des liens qui les unissent?
Ludo Oui, bien sûr. Déjà, merci de m'accueillir. Je suis très honoré. Je suis fan de votre podcast, donc je suis ravi d'être là. Un peu de pression. Mais non, mais non. Pour te répondre, il y a une quinzaine d'épiceries qui sont recensées sur le site coplip.fr. Toutes ne sont pas des épiceries qu'on a accompagnées. Il y en a même qui sont antérieures. Il y en a trois, notamment. Donc, le peuplier et Johnny Cop, par exemple. Et selon les autres, effectivement, on les a accompagnées à divers degrés. Soit c'est eux qui nous ont contactés, soit c'est nous qui avons suscité, mis en relation des gens, et puis fait une petite présentation pour initier un truc dans une ville ou dans un village. Et donc ce nous, c'est au début, on est quelques personnes qui avons créé notre propre épicerie autogérée sur le modèle d'autre chose, on en reparlera un peu après, en reprenant quelque chose, et puis qui fanent du truc, et pour que c'est aussi un sens, pour que ça y ait au-delà de « je me fais mon petit précaré, je bénéficie d'un truc, je m'aimais bien ». Une porte un peu plus politique et un peu plus globale, cette envie d'essaimer et de faire connaître le modèle, etc. Donc on s'est constitué un petit collectif, très informel. Il a fallu à un moment donné créer un site web, on a choisi d'avoir une visibilité sur Internet, notamment parce qu'il y a d'autres modèles qui nous semblent moins vertueux, qui ont un peu de visibilité accrue dans la presse et puis sur Internet, etc. et qui éventuellement se revendiquent de l'autogestion donc on voulait apporter aussi un deuxième son de cloche un petit quelque chose donc là il a fallu choisir un nom qu'on assume et qu'on regrette voilà il y a une historique qui fait qu'à un moment donné on se dit pourquoi pas bon il y avait un petit côté aussi autodérision sur le côté un peu startup du nom et de certains autres promoteurs d'autres modèles éventuellement et bon qui n'est pas transparent donc nous-mêmes on apparaît comme ça et bon voilà donc ce nom-là qu'on revendique quand même et puis l'arrosoir, donc c'est à un moment donné on est donc plusieurs bénévoles, enfin en tout cas on n'était pas bénévoles puisqu'on n'était pas dans une asso et puis on ne gagne pas forcément tous de l'argent par ailleurs le but n'était pas d'en gagner là non plus pour autant c'était pas non plus d'en perdre trop et donc on commence à faire 200 bornes pour aller voir un collectif etc un frein un peu, cette question de, ok, ça m'a coûté 60 euros cette soirée. Donc peut-être susciter éventuellement du don des gens qui nous reçoivent pour qu'on leur explique. Et peut-être, la subvention a été exclue à ce moment-là. Bon, voilà, en tout cas, c'était beaucoup le don qui était prévu. On s'est dit, on sera peut-être plus légitime, on se sentira plus légitime pour dire aux gens, si vous nous donnez une 10 balles, en plus, ça ne vous coûte pas grand-chose. Voilà, il n'y a pas eu de don. J'en ai jamais trop à l'aise avec ces questions d'argent. Bon, mais donc, l'arrosoir est un outil pour apporter des moyens à cet effort de visibilité et puis de documentation et d'essai-mâche et d'accompagnement par ailleurs militant des collectifs qui le souhaitent.
Karl Et avant d'en arriver à cette question de comment est-ce que vous fonctionnez en termes de carte d'identité, la plupart des noms de ces épiceries sont justement, intègrent la partie COP. Est-ce que ça veut dire que ce sont des coopératives? Est-ce que c'est des assos? Est-ce qu'en fait ça n'a aucun lien?
Yaël Et même pour COP Libre? Parce que là tu disais que c'était un collectif derrière informel.
Ludo Non, effectivement, ça n'a pas de lien avec les coopératives dans le sens légal de ce qui existe aujourd'hui. C'est plus, en tout cas, du modèle que nous, duquel on s'est inspiré, qui s'appelait les coopératives alimentaires autogérées. Enfin, en tout cas, les gens qui portaient ça l'ont appelé comme ça. Donc, on a repris au début ce truc-là avant de prendre du recul et de voir. Et justement, de sentir que pour beaucoup de personnes, ça a créé cette confusion. Alors qu'en fait, les coopératives, il y a un sens avant le cadre légal actuel, mais qui, maintenant, est la première chose à laquelle tout le monde pense. donc il y a ce historique qui fait qu'à un moment donné il y a des noms qui sont comme ça et qui ne sont plus trop le cas maintenant la plupart des assos ne reprennent pas ça ils l'ont pris par mimétisme et puis nous ça nous a fait marrer et puis donc il y a une indépendance d'ailleurs totale entre les associations, c'est que des assos parce que c'est une forme très simple, on en discutera après voilà donc
Karl Ok, et alors qu'est-ce que c'est une épice libre? qu'est-ce que c'est une coopérative alimentaire autogérée?
Ludo Oui en quelques mots c'est donc des gens qui se retrouvent entre eux qui mettent à disposition des moyens et du temps pour se procurer des produits plutôt alimentaires mais pas nécessairement et qui se les mettent à disposition sous forme d'un truc qui ressemble à une épicerie d'autres historiquement appelaient ça sinon des groupements d'achat, services, épicerie et ça a l'avantage de fluidifier un certain nombre de choses quand même enfin en tout cas dans ce modèle là puisque dans d'autres modèles, ça a le désavantage d'alourdir les choses. En tout cas, là, ça simplifie par rapport à un groupement d'achat, etc. On met des choses dans les rayons et on peut venir les récupérer plus fluidement. On peut dire ça très simplement. Et la particularité de ce modèle-là, c'est que ça fonctionne sans salariés, sans bureaux, même si pourtant il y a une association, sans conseil d'administration non plus, sans ce qu'on appelle, nous, commissions. En tout cas, ce n'est pas nous qui appelons ça, mais d'autres groupes ou d'autres modèles appellent ça des commissions ou des groupes de travail, etc. Donc sans ça aussi, sans réunion, de manière générale. Enfin, même, il n'y a pas besoin. Sans compta, sans gestion informatique des stocks, voire même sans trop de gestion des stocks. Qu'est-ce que je pourrais oublier?
Yaël J'allais dire, mais du coup, qu'est-ce qu'il y a?
Karl On va y venir peut-être tout à l'heure à cette question. Mais peut-être tout d'abord, est-ce que ça veut dire que l'accès à l'épicerie, il est réservé à ceux qui font partie du collectif ou est-ce que c'est ouvert à tout le monde? Il faut adhérer.
Ludo Après, l'adhésion, elle est libre. Il n'y a pas de contrainte, il n'y a pas de charte, etc. Oui, sans charte également. Donc, n'importe qui peut adhérer. Il n'y a pas forcément de prix obligatoire. C'est un prix libre, une participation aux frais. On discutera après de comment on finance tout ça. Et donc, pas d'obligation particulière, d'ailleurs, non plus. Il n'y a pas d'obligation sur les heures de participation. Donc, n'importe qui peut entrer. Par contre, il faut adhérer. ça a aussi des avantages et peut-être, Matthieu, dire aussi des inconvénients par rapport à la fiscalité. Mais voilà.
Karl OK. Alors oui, justement, comment est-ce que vous êtes financé au sens de : est-ce que vous achetez des choses pour rentrer en termes de produits dans l'épicerie? Quel est le modèle économique de ce type d'épicerie?
Ludo Oui. Alors, il faut voir qu'il y a un modèle un peu général et puis ensuite chaque épicerie fait un peu sa sauce. Tout le monde est un peu dépendant. et puis on sait que chaque collectif va effectivement amener leur expérience dans un sens ou dans un autre, au gré des initiatives, parce que ça va reposer beaucoup sur les initiatives des individus. Mais bon, le cadre un peu général, c'est qu'effectivement, on va avoir des charges régulièrement, en tout cas pour la plupart des collectifs, on va avoir un local à payer, on va avoir, sauf mise à disposition, voilà, mais donc un local, l'électricité, l'assurance, ce genre de choses-là. Et ça, le choix, c'est souvent de le faire par cotisation, enfin cotisation en tout cas, participation annuelle. Et souvent, prix libre, il y a un prix qui est annoncé, il faut qu'on étend à la fin de l'année, situez-vous. Et puis si on ne les a pas, on fera soit un appel, soit on ferme boutique, ce qui est tout à fait envisageable. Donc il y a ce lâcher prise. Dans ce modèle-là, on est prêt que ça échoue. Et puis même si, sur le moment, ça va sûrement s'activer, mais on prend ce risque-là et cette posture. et ensuite effectivement il faut se procurer des produits et là ça fonctionne sur une avance chaque personne avance de l'argent sur ses futurs achats et donc il tient une petite fiche personnelle en papier sur laquelle il dit aujourd'hui j'ai avancé 100 euros sur le compte bancaire commun on a un compte bancaire commun donc j'ai mis 100 euros, donc j'ai 100 euros d'avoir quelque part ou de pré-paiement de mes futurs achats et quand je viendrai faire mes courses je déduirai le montant de mes achats de ces 100 euros et quand j'arrive un peu bas je recagnote le compte Ce qui nous fait un petit peu de trésorerie pour acheter les produits. Sinon, pas de subvention, sauf certains groupes qui ont de la subvention, c'est-à-dire un local à disposition, soit de privé, soit de mairie parfois. Mais autrement, c'est un modèle qui fonctionne sans subvention, sans don. Ce qui allège aussi le fonctionnement et les obligations.
Karl Et alors la dernière question qu'on pose habituellement, c'est sur les modes de fonctionnement. mais on est précisément là pour parler des modes de fonctionnement de ces épiceries. Plutôt que de traiter la question, surtout que tu en as déjà dit un mot sur le fait que vous n'avez pas de CA, vous n'avez pas de bureau, vous n'avez pas de modèle organisationnel. Si vous avez probablement un modèle organisationnel, justement, mais je vais donc passer la main à Yael pour qu'on en arrive à cette question.
Yaël Très bien, merci Karl pour cette transition et surtout merci Ludo pour ce premier aperçu. Alors, peut-être, avant que tu nous détailles ce que ça donne au quotidien, du coup, comment est-ce que vous définissez de manière positive l'autogestion?
Ludo Ah oui.
Yaël Dans vos structures.
Ludo Écoute, l'autogestion, donc là, effectivement, il y a une question, il y a un rapport au pouvoir évident. Donc, effectivement, le fait aussi que nous, on est appelé ici épicerie libre et qu'on n'a pas juste appelé épicerie autogérée, qui était peut-être le terme qu'on utilisait au début, ou coopérative alimentaire autogérée, au-delà de la confusion avec coopérative, c'est que l'autogestion, il y a plein de modèles qui s'en réclament et qui ont pour point commun de ne pas avoir de salarié. Donc c'est, oui, être patron. Et donc c'est les gens qui gèrent leur truc pour eux-mêmes et qui sont acteurs pour leur initiative. Pour autant, ça nous semblait un peu léger parce qu'on constate que par ailleurs, il peut y avoir un bureau, un CA, etc., des gens à qui on délègue un pouvoir ou qui en prennent et qui en ont. Ça ne nous semblait pas laisser questionner ça. donc voilà il y a divers degrés d'autogestion et donc en tout cas là nous ce qu'on essaye d'expérimenter c'est un degré où vraiment on essaye d'éliminer un maximum de pouvoirs formels et où on est attentif à ce que Geoffrey Mann appelle les élites informelles par ailleurs qui est peut-être le plus grand danger de ce modèle là puisque ça pourrait invisibiliser etc voilà donc effectivement un endroit où il y a très peu d'enjeux de pouvoir et où il y a très peu de moments formels où ces tensions liées au pouvoir, il y a la prise de pouvoir, il y a un petit baston pour obtenir tel ou tel truc ou que sa vision soit mise en œuvre, existe. Voilà, donc on fait en sorte que tout ça... Voilà, dans tout cas, notre vision de...
Yaël Du coup, ça me fait direct le lien avec la question d'après, qui est qui compose ces épiceries? Donc là, on a bien compris que c'était les consommateurs, mais peut-être plus en termes de stature. Est-ce que c'est vrai? J'imagine que dans ce que vous affichez, c'est ouvert à tout le monde. Mais du coup, concrètement, qui peut se permettre de venir participer et de donner un coup de main?
Ludo Oui. Alors, effectivement, en théorie, tout le monde. Après, ce qu'on constate, c'est que la sociologie du groupe de départ influe énormément sur la sociologie du groupe d'arrivée, en particulier parce qu'il n'y a pas de pub particulière qui est faite, etc. Donc, c'est le bouche à oreille. Donc, ça circule dans le milieu autour des gens. Sauf exception, de temps en temps, il y a des belles surprises. Mais effectivement, si on a un groupe de bobos, à la fin, on a un groupe de bobos. Et notamment, par exemple, nous, on accompagne une épicerie dans un quartier en QPV, à Château-Thierry, donc dans l'Aisne. Et là, pour le coup, ce qu'on dit souvent, la mixité sociale, c'est très chouette. Pour autant, là, on a dit, on fait cette expérimentation avec vous et c'est limité à votre quartier. Il n'y a pas de gens extérieurs du centre-ville, etc., qui vont venir chez vous. pour pas que s'ils maîtrisent plus un outil informatique, si ils veulent tel ou tel produit qui ne vous correspond pas, ça façonne l'épicerie que vous avez et qui ne vous ressemble plus. Parce qu'en fait, c'est aussi ça qui va se passer. On arrive dans un groupe, on ne reconnaît pas les produits, notamment parce qu'on ne retrouve pas les marques habituelles parfois. On ne retrouve pas les produits, certains sont plus ou moins chers. Ceci dit, il n'y a pas de marge. Donc, c'est un prix coûtant. Donc, c'est 30% moins cher en général que dans les commerces. Pour autant, ça peut rester un frein. Donc quand on arrive, effectivement, on va voir qui est avec qui autour, quels sont les produits, et ça peut conditionner le fait qu'on revienne ou pas. Par contre, pour le temps de travail, par exemple, il n'y a pas de pression là-dessus, il n'y a pas d'heure obligatoire. Donc tu participes, tu ne participes pas, c'est comme ça. On fait en sorte d'essayer que tout le monde participe, en essayant de responsabiliser à divers niveaux, mais pour autant, il n'y a pas de pression là-dessus. il n'y a pas, en théorie, dans le modèle, je ne t'appelle pas pour dire bon alors, tu es trois heures, parce qu'il y a d'autres modèles qui annoncent on ne peut pas fonctionner si on dit pour les gens, vous faites deux heures ou trois heures par mois, il faut sanctionner etc. Nous, il n'y a pas ça.
Yaël Et peut-être, justement, pour qu'on visualise un peu mieux, en fait, ce travail, il prend quelle forme? Déjà, c'est quoi les... Qu'est-ce qu'il y a à faire? Je ne voulais pas dire tâche, mais du coup, ce n'est pas des tâches, qu'est-ce que c'est?
Ludo Il y a très peu de tâches. La force, c'est qu'on s'imagine une épicerie avec toute la complexité, et on commande des produits, on les met en rayon, on vient les chercher. C'est assez simple. Ce qui permet de limiter le nombre d'enjeux existants et donc de s'autoriser à que des choses ne soient pas faites ou mal faites. Donc en fait, concrètement, les tâches, il y a éventuellement tenir une permanence, c'est-à-dire à un moment donné où on ouvre le local aux autres membres. Et encore, ça dépend des épiceries. Par exemple, c'est le mois où j'ai été pendant trois ans et demi, quand je viens de déménager malheureusement. Il y a un petit boîtier à code et tout le monde a le code et peut venir de jour comme de nuit faire ses petites emplettes. Donc il y en a qui passent par les permanences, il y en a qui ne passent pas par les permanences. Mais il y a des épiceries où il n'y a que des permanences. Donc il y a ce petit temps hebdomadaire, il y a deux ou trois ouvertures dans la semaine, sur des créneaux une heure, deux heures, trois heures en général. Quelqu'un se dévoue pour aller faire ça. Et ceci dit, si personne ne le fait, c'est fermé. C'est tout. Et puis si ça énerve quelques personnes que ça soit fermé, éventuellement ils ouvrent ou ils en discutent. Mais en tout cas, il n'y a pas un organe central sur lequel on peut dire : « Vous gérez mal les ouvertures », c'est un peu de la responsabilité de tout le monde. Et si ça n'intéresse personne d'ouvrir, c'est fermé. Et puis éventuellement, ça s'arrête.
Karl Et juste peut-être, est-ce que tu peux nous donner un ordre de grandeur du nombre de personnes qu'il y a par épicerie? Parce que j'ai du mal à me projeter si on parle de 20 personnes, de 200 personnes.
Ludo Oui. OK. Écoute, moi, celle dont j'étais trois ans et demi, c'était 150 foyers, en gros. 120-150 foyers, selon le renouvellement. Les épiceries qui sont, par exemple, à Saint-Denis ou à Amiens, dans des villes un peu plus grandes, ont bloqué, en gros, leur adhésion à 250 foyers. Parce qu'après, ça change un peu. Ça commence à devenir un peu plus lourd comme gestion. Il faut plus souvent des produits, il faut plus souvent commander. Ça fait un peu un travail qui est plus dur à répartir aussi. Et une distance que prennent les gens par rapport à leur bien commun. Voilà, donc empiriquement, les gens dans ces épiceries ont dit 250, c'est notre max. Pour avoir expérimenté jusqu'à 350 foyers. Voilà, donc nous, c'est 150, c'est un peu la moyenne. Il y a des collectifs qui fonctionnent très bien à 30, 40 dans des petits villages. Et encore, je dis des bêtises, parce que même dans les petits villages de 150 habitants, il y a des épiceries à 60 foyers. Même maintenant 80, d'ailleurs, dans un village. Donc voilà, en gros. Donc ça représente un peu de volume quand même, en tout cas nous pour la note, quelques dizaines de milliers d'euros, 60 000 euros, je pense, de chiffres par an. À la louche, on n'a pas non plus un suivi là-dessus. Et donc le quotidien, il y a ces permanences-là comme tâches. il y a commander des produits, n'importe qui peut commander des produits, à n'importe où pour n'importe quel montant on expliquera, il y a un petit mécanisme pour s'assurer qu'on soit pas dans le rouge donc il y a une personne qui est en charge de dire oui à l'argent ou pas donc on lui dit j'ai besoin de 300 euros il nous dit ils y sont ou ils y sont pas pas d'ordre de priorité
Yaël c'est à dire donc en gros l'équivalent du trésorier quoi
Ludo oui mais qu'à cette seule tâche là en tout cas de nous dire il y a de l'argent ou pas mais ça pourrait être un algorithme finalement ou un tableur. La fonction se limite vraiment à, il y a 3000 euros sur le compte, il y a déjà quelqu'un qui m'a réservé 600, il y a quelqu'un qui m'a réservé 800, il y a une sorte de file d'attente. Toi, tu me demandes 2000, ils n'y sont pas. Soit tu fais avec 1500 tout de suite, soit je te préviens dès qu'ils y sont. Voilà pour ce rôle-là. Ce qui nous assure de ne pas jamais être dans le rouge. Voilà. Et ensuite, il y a quelqu'un qui paye les factures, on lui envoie les factures, il les paye. Et puis, pour la mise en rayon, en général, quand une palette arrive, par exemple, ou des produits arrivent, soit les personnes qui ont commandé se sentent de la mettre en rayon eux-mêmes. Soit ils envoient un petit mail. On a une mailing list souvent dans ces épiceries, qui est le moyen un peu décentralisé de communiquer. Donc une mailing list, on envoie un message, tout le monde reçoit. Quand on répond, tout le monde reçoit. Et voilà, la mise en rayon, on met des petites étiquettes sur des produits et puis on les met dans des rayons. Ça prend deux heures à un moment donné. C'est très basique.
Karl - Une question toute bête, mais j'imagine que quand un livreur arrive avec une palette, il ne vous prévient pas forcément à l'avance, et lui, il n'a pas envie d'attendre trois heures, donc s'il n'y a personne, concrètement, comment ça se passe?
Ludo Oui, c'est un petit point de friction. C'est un petit point de friction, et des fois, effectivement, dernière minute, il y a un message qui passe, dans un quart d'heure, le livreur est là, ou il est là depuis un quart d'heure. Bon, ça marche quand même tout le temps. En fait, à part une ou deux fois où il repart avec sa palette et il revient le lendemain, il y a toujours plus ou moins quelqu'un qui arrive à se dépatouiller pour arriver et faire l'ouverture. Ceci dit qu'ils récupèrent juste la palette, ça prend 5 minutes. La palette est rentrée dans le local, la personne ferme à clé et rentre chez elle. Après, il y a des gens qui viennent. Après, il y a des épiceries. Ça dépend aussi où on se situe. Quand on a la campagne, ils ne passent pas tous les jours, ils ne passent pas toutes les 3 minutes, le livreur. Ils n'ont pas des tournées, etc. Quand on est à Saint-Denis, c'est plus facile de cadrer. Notamment, le groupe de Saint-Denis dit que c'est le vendredi, c'est une fois toutes les 3 semaines, et c'est le vendredi le matin. Vous passez là où vous gardez vos produits. Même s'il y a toujours des possibilités de... Voilà, chez nous, c'est plus freestyle. Et ça marche quand même pour autant.
Yaël Et du coup, je me disais sur les autres tâches, parce que j'imagine qu'il y a des trucs genre le ménage, ou tout simplement de vérifier que les produits sont... la date limite des produits, tout ce genre de petites soins accordés au fonctionnement, au projet.
Ludo Les dates limites, c'est quelque chose qui ne se pose pas trop trop, c'est-à-dire que les fruits et légumes, s'il y en a, ça se voit assez vite. C'est la semaine. Tu ne peux pas non plus les garder trois semaines et se rendre compte qu'ils sont moisis. Et souvent, c'est la personne qui met en œuvre cette commande-là en particulier, qui va avoir un œil un peu plus attentif. Pour les autres produits, pour les produits secs, les dates, c'est lointain en général. Donc, il n'y a pas trop d'enjeux là-dessus. Et le flux est suffisant pour qu'il n'y ait pas des trucs qui restent quatre ans là. Mais il y a des choses qui peuvent rester plusieurs mois. Une boîte de conserve, un paquet de pâtes, jusqu'à là, il n'y a pas trop de... Il y a des œufs éventuellement, là où ça devrait tourner un peu plus. Et là, des fois, c'est... Il y a quelqu'un qui se dit, moi, je m'occupe de ça. Ou des fois, c'est le producteur lui-même. C'est variable. Après, on n'a pas les mêmes enjeux comme on a un groupe fermé de personnes. On n'a pas non plus de normes d'hygiène très hautes à respecter. On n'a pas à avoir des banques de froid particulières ni une balance homologuée, etc. C'est comme à la maison. Il y a beaucoup ce truc-là. Alors, il y en a à la maison, c'est... Je sais qu'ils n'en En tout cas, il y a ce truc de ce qui vous semble le bon réflexe à la maison, c'est d'avoir ce bon réflexe-là aussi. C'est notre truc à tous et on le gère vraiment comme à la maison. Mais effectivement, le ménage a été... On parlera peut-être du fait des conflits. Je spoil, il n'y a pas de conflits. Mais il y a eu deux points de tension à un moment donné, notamment, qui ont été sur le ménage. Quelqu'un qui fait une photo et qui dit comment quelqu'un a pu laisser ça dans cet état-là? Puis après, les gens sont un peu plus attentifs repel à l'ordre spontané de personnes. Après, on n'est pas sur de l'ordre qu'un truc ultra propre, ultra beau. On est dans un local un peu vétuste, un peu défraîchi des années 70-80. Personne ne se soucie trop de ça. Mais en tout cas, si c'est un enjeu pour quelqu'un, ça peut devenir un enjeu collectif.
Karl Et est-ce que ça veut dire que vous interdisez d'acheter, par exemple, certains produits, notamment tout ce qui va être frais, tout ce qui est fromage, tout ce qui doit être conservé dans un frigo, par exemple?
Ludo pour la petite anecdote au tout début alors que c'est un modèle où à la première et une autre présentation d'une épicerie en particulier en Cocoricoop à Villers-Cotterêts c'est moi qui faisais la petite présentation à 15 personnes qui étaient venues pour l'intéresser et je dis bon a priori il n'y a pas de règle le truc c'est que notre fonctionnement c'est qu'il n'y a pas de règle et on va pouvoir fonctionner et on se dit bon quand même on va s'en mettre deux pour démarrer on fait qu'une permanence par semaine parce que sinon ça va être une charge trop lourde immédiatement première permanence. Les gens, ils sont tellement tous âgés qu'ils en font trois par semaine. Après, ça s'est un peu tassé avant de reprendre. Donc, ça a sauté immédiatement. Et la deuxième, c'était « On évite le frais ». Et au bout de 15 jours, il y avait du fromage de chèvre. Et donc, ça a démarré sur une glacière, de la précommande, quelqu'un qui vient tel jour récupérer ça. Donc, il y a toujours des choses qui fonctionnent comme ça. En fait, chacun trouve son petit système qui, à la fois, le met en sécurité. Puisque j'investis de l'argent commun, j'ai une petite responsabilité. Même si elle n'est pas affichée, on ne dit pas « un tel à commander ». Mais on n'a pas envie d'être celui qui plante le truc. Donc bon, ça va être sur un sujet un peu sensible du fromage de chèvre, bon, c'est sur précommande, il faut venir récupérer tel jour. Puis après finalement il y a eu des frigos, donc ça laisse un peu plus de flexibilité, etc. Donc là maintenant sur la viande par exemple, il y en a qui consomment de la viande, ça reste sur précommande, c'est un truc un peu sensible, ça arrive déjà découpé en lot comme prévu. Voilà, on ne fait pas trop tout ça sur place. donc non on s'interesse à rien et donc il y a des collectifs plus osés que d'autres il y en a qui investissent dans des banques de fraude éventuellement qui ont beaucoup de légumes, d'autres qui en ont moins et qui gèrent ça de diverses manières
Yaël du coup avec ce que tu viens de dire peut-être est-ce que tu peux revenir sur comment se prennent les décisions parce que là de ce que tu présentes en fait chacun prend ses initiatives et vous avez juste une mailing list où vous écrivez il y a un problème
Ludo éventuellement, voire on n'écrit pas évidemment, idéalement, on prévient quand il y a un truc un peu qui concerne tout le monde et ça vaut le coup que tout le monde le sache puisque ça participe d'un truc où tout le monde monte en conscience sur c'est quoi qui se passe et ce que ça nécessite comme fonctionnement et voilà, d'avoir des points de vigilance pour autant certains le font pas, ils font un truc dans leur coin au début c'est assez magique la première année et ça se répète souvent dans les autres épiceries donc c'est pas que Cocoriccop mais en tout cas nous c'était vraiment particulier d'arriver dans un local qui change toutes les semaines il y a des étagères qui apparaissent, les produits quelqu'un les a déplacés sur une autre étagère il y a un canapé qui arrive, il y a un affichage et ça bouge comme ça pendant un an avant de se stabiliser évidemment maintenant on sert un peu on remplit bien notre local donc c'est plus dur de faire ça, il y a encore des améliorations et là des fois et sans que tu arrives tu découvres qu'il y a des choses qui ont changé en tout cas là c'est un truc où il y a tellement peu d'enjeux l'objectif est très bien défini c'est à dire on est là pour avoir des produits etc les tâches sont très simples très peu de tâches et elles sont assez simples, même si pour certaines personnes ça peut être problème. Donc il y a une explication éventuellement.
Yaël Parce que j'imagine ne serait-ce que sur le choix des fournisseurs?
Ludo Oui, il n'y a pas de concertation. Donc évidemment, chez nous, vraiment tout le monde est libre de faire toutes les commandes qu'ils souhaitent, où ils veulent. Il y a des collectifs qui aimeraient un peu plus parfois limiter du bio, du local, etc. Ce qui pose toujours un tas de galères. Alors c'est quoi? C'est bio? C'est local? Est-ce que c'est vegan? Et on va se battre un peu là-dessus. Nous, vraiment, quand on présente souvent, on dit, tu veux mettre du Nutella? Il y a vraiment ce truc-là, de ne pas exclure des gens, notamment en plus, par ailleurs, parce que si on fait que du bio, il n'y a que des gens qui vont venir manger du bio, donc on est déjà dans un autre choix, ça n'amène pas des gens vers le bio, éventuellement, alors que quand tu viens dans un truc, il y a un peu de tout, tu vas pouvoir éventuellement te dire, finalement, j'ai du bio plus accessible que d'habitude, 30% moins cher éventuellement, ou voir du vrac. Et donc, il y a accédé petit à petit. Il y a aussi ce travail d'éducation populaire qui est vraiment à la base du projet. Et puis, par ailleurs, on ne veut pas être dans un truc hypocrite où on te renvoie au supermarché pour aller finir tes courses. Tout le monde peut commander de tout. Après, ça part, ça ne part pas. C'est-à-dire que tu ne t'acharnes pas quand tu vois que ton produit, personne ne le consomme et qu'il reste là six mois. A priori, la fois suivante, tu vas prendre moins. Enfin, tu vas t'adapter certainement. Mais bon, tant que toi, tu le consommes, à la limite, tu peux le prendre. Il n'y a pas de contrôle ni a priori ni a posteriori, même s'il peut éventuellement y avoir de la discussion. quelques exemples, des dates qui viennent d'à tel endroit, et quelqu'un qui dit c'est pas chouette, des dates qui viennent de cet endroit. Et après, la personne derrière, elle le prend, elle le prend pas. Et puis voilà. Donc il y a cette tolérance aussi sur les croyances et les envies de chacun, et puis le milieu social, enfin, tout un tas de choses, en fait. Et les conditions.
Yaël Comment ça se formalise? Parce que tu disais tout à l'heure qu'il n'y avait pas de chartes. Vous avez quand même des statuts. Rassure-nous.
Ludo Oui, alors je vous parlais du cas de Cricoop, puis après généraliser peut-être. Au début, nous, quand on a créé notre épicerie, on s'est inspiré d'une autre épicerie. Donc, c'est Dionycoop, à Saint-Denis. Tu as écrit un petit bouquin qui précise un peu les modalités de leur truc. Et quoi on prend conseil au point?
Yaël Qui d'ailleurs a été réédité en janvier et préfacé par Simon Cottin-Marx que nous avions reçu.
Ludo Et donc, ils nous disent, en fait, il y a une asso, il y a besoin, mais vous la mettez à l'écart. « Voilà, vous la mettez à l'écart, alors tu me disais, moi, qu'est-ce que c'est? » Il restait assez mystérieux. Écoute, on ne savait pas trop non plus. Alors nous, on s'est dit, on la met à l'écart. Donc, on a récupéré pour la mettre à l'écart. Donc, eux, en fait, ils nous disent, il y a une asso, il y a un président, mais on n'en parle trop jamais. On fait en sorte que l'asso, les gens, la particularité, c'est que les gens ne sont pas membres de l'asso. Donc, il y a deux, trois personnes dans l'asso. C'est extérieur un peu au collectif. Bon. Alors ça, ça ne nous a pas tout à fait convenu, On me parle de deux personnes en boucle. Les gens sont très accueillants, on m'explique le modèle. Il y a deux noms qui reviennent en permanence, et le président et le trésorier de l'association. Et je me dis, zut, ça apparaissait moins dans le bouquin, ça. Et donc bon. Alors pour autant, on a récupéré, du coup, nous on a demandé à une autre association qui faisait d'autres activités. Est-ce que vous acceptez qu'on puisse utiliser votre structure pour avoir un compte en banque, un bail, etc. Voilà, à condition qu'on se fiche la paix mutuellement. Pour autant, on devient membre, etc. Alors c'est un peu particulier. voilà et donc l'asso n'a pas le même nom que le collectif enfin que le projet et puis c'est effectivement vaguement oublié et c'est aussi vaguement oublié parce que effectivement comme ça n'intervient jamais dans la vie du collectif, il n'y a jamais le président ou le trésorier il n'y a jamais eu de contraintes venant de l'association sur le collectif du coup ça n'a jamais été une préoccupation pour les membres il y en a plein qui ignorent ce montage alors c'est un peu dommage au point de vue qu'il n'y ait pas cette communication à fond mais en tout cas qu'ils s'en fichent parce que ça n'a aucun impact sur leur vie. Pour autant, il y a des statuts.
Yaël Et comme tu disais tout à l'heure, ils cotisent quand même.
Ludo Alors que c'est libre. Leur cotise, c'est une participation libre aux frais de fonctionnement. Donc, qu'il y a ça ou pas, il y aurait ce truc-là. Il faut qu'on se paye un local à 5000 euros par an. Il faut qu'on mette tout ça à la poche, plus ou moins, selon ses besoins. Mais ils ne cotisent pas pour avoir le droit d'être dans l'asso. S'ils donnent zéro, ils donnent zéro et personne ne vérifie d'ailleurs le montant précis des cotisations. Enfin, même large. Voilà. Par contre, quand, effectivement, on a été amené et s'aimé, on a vu que certains groupes n'oubliaient pas qu'ils avaient une asso. Parce qu'au début, on leur dit, bon, faites comme nous. Et puis, le président ou la présidente le rappellent un peu trop souvent, son statut, etc. Et ça joue dans la dynamique du collectif. Donc, effectivement, nous, maintenant, à Cooplib, on est maintenant revenus plutôt sur un truc. En fait, l'asso, elle est fondue avec le collectif. Et on a essayé de créer des statuts qui limitent les espaces de pouvoir classiques. Il n'y a pas d'AG, il n'y a pas de bureau, etc. C'est formalisé. Les libertés que tout le monde peut commander et saisir tous les moyens de l'association pour passer des contrats avec l'extérieur, c'est formalisé. Un certain nombre de moyens qu'on juge un peu liberticides sont interdits. Il y a quelque chose qui vient consolider le projet, alors que jusque-là, c'était toujours un facteur de risque l'association. C'est quelque chose qui peut venir perturber par un autre système, par l'AG, par des postes de bureaux ou de commissions, qui vont venir perturber, avec lesquels il va falloir composer sans se laisser emmener là-dedans. Là, on a des statuts qui interdisent ça même et qui viennent consolider plutôt le modèle.
Karl Et ces statuts très, j'allais dire, libres au sens de chacun est libre de faire ce qu'il veut au sein de l'association. Est-ce qu'ils ne sont pas limitants, voire problématiques, lorsque typiquement vous allez voir une banque? Enfin, au sens de, tu vas voir un banquier et tu lui dis que dans ta structure, n'importe qui peut faire une dépense et prendre n'importe quel risque. Est-ce que ton banquier te dit, en fait, ce n'est pas ici que tu ouvres un compte en banque?
Ludo Alors, l'éducation populaire, effectivement, elle ne s'arrête pas au collectif. Elle se fait aussi au niveau des différentes institutions. Récemment, j'ai créé une asso avec des statuts à peu près similaires. La préfecture me refuse le truc en me disant qu'il n'y a pas de déclaration d'AG constitutive. et je leur dis, dommage, a priori, ce n'est pas obligatoire. Donc, si vous me dites que c'est obligatoire, je vous la fais, il n'y a pas de souci. Juste pointez-moi le bout du texte et je reçois deux heures après. Après examen, effectivement, c'est bon, c'est validé l'asso. Vous examinez deux fois dans les mêmes conditions, une fois c'est refusé, une fois c'est accepté. Donc, en fait, il n'y a pas besoin, c'est tout. Mais il faut leur rappeler. Tout le monde ne le sait pas. Pareil, ils sont pris dans leurs habitudes. Et à la banque, souvent, ça prend un peu de temps de discussion. Oui, vous voulez effectivement, là où également, le dur, j'ai créé un compte en banque, vous voulez une déclaration qui vous annonce les dirigeants, les machins, bon, c'est compliqué, quoi. Dommage, on n'est pas obligé, et puis on ne l'a pas fait. Donc voilà. Pour autant, la banque va néanmoins demander une personne qui est gestionnaire du compte. Et après, peu importe, on peut créer autant de délégations qu'on veut, même si leur système soit un peu lourd, en général, pour faire ça. Bon, nous, il n'y a pas 50 personnes qui payent pour eux, en revanche. Tout le monde peut mobiliser l'argent et envoyer une facture à celui qui paye, mais il y a une ou deux personnes qui se chargent de payer les factures. Donc, ça leur apporte une mini-garantie. Ça n'ira pas jusqu'à moins 10 000, à priori. Et ils ont un nom qu'ils peuvent appeler s'ils se disent bizarre.
Yaël Je me dis, j'avais une autre question, mais je me dis que ça avait quand même super bien le lien avec la question d'experts. Donc, comme ça, peut-être qu'on rebouclera derrière, on recreusera les autres aspects.
Karl Et aujourd'hui, notre expert est Matthieu Castin, de la coopérative d'expertise comptable et de conseil Finacoop, qui est dédiée au secteur de l'ESS et qui travaille avec beaucoup d'associations. Alors, rebonjour Matthieu, si tu nous entends. Rebonjour Karl. Par rapport à tout ce qu'on vient de discuter, à ce que vient de nous raconter Ludovic, en fait, on voulait vraiment revenir avec toi sur cet ensemble de points parce qu'on ne sait pas si tu es en PLS comme nous, mais on se pose la question. Et alors, la question pour savoir si tu es aussi en PLS, elle est relativement simple. Donc, est-ce qu'une association peut fonctionner sans admin, c'est-à-dire sans administrateur, mais aussi plus globalement sans administratif de ton point de vue?
Matthieu Oui, alors il faut déjà faire un tour sur l'aspect juridique d'une association. Alors théoriquement, une association n'est pas tenue de se déclarer, on peut rester association de fait. En pratique, c'est quand même plus sécurisant de se déclarer, donc ça implique une inscription en préfecture et la signature de statut, avec au moins deux adhérents, deux membres. Pourquoi? Parce que ça permet de limiter la responsabilité des dirigeants, parce que quand on est association de fait, Si jamais il y a un problème, on peut venir sur nos deniers personnels nous demander des choses, alors que là, la responsabilité des dirigeants, elle est encadrée. Pour rassurer tout le monde, elle est très limitée. C'est-à-dire que, sauf manœuvre frauduleuse, volonté de détournement ou autre, il n'y a pas de condamnation des dirigeants, même la négligence est tolérée dans la jurisprudence. Donc, c'est très protecteur pour les dirigeants, justement. ça implique d'avoir au moins un représentant légal c'est la loi 1901, elle est très très libre et libérale dans le bon sens du terme c'est à dire qu'un seul dirigeant est requis pour une inscription alors en pratique on parle souvent de président on a souvent un bureau un conseil d'administration mais nul n'est tenu d'avoir autant de une gouvernance aussi élaborée en pratique aussi il y a quelques préfectures qui aiment bien quand il y a un deuxième dirigeant mais bon on peut se contenter d'avoir un seul dirigeant donc non il n'y a pas d'obligation d'avoir des administrateurs certaines associations de type autogestion n'en ont pas ça peut être utile si on veut partager la responsabilité entre plusieurs personnes ça peut être utile si on veut aussi gérer notamment de l'administratif. Alors, ça fait écho à la deuxième question? Est-ce que forcément l'administratif? Moi, je suis un peu allergique à l'administratif. C'est un peu paradoxal par rapport à mon métier d'expertement. J'aime bien. J'ai été aussi trésorier de multiples associations et j'ai toujours eu à cœur d'alléger au maximum l'administratif, notamment en numérisant le plus possible, en supprimant le plus possible la paperasse, y compris tout ce qui est facture, note de frais, etc. Donc, il y a, je pense, un enjeu aussi à simplifier au maximum la gestion pour faire que ce soit facile et accessible pour n'importe qui, finalement, voire la redire à la portion la plus congrue possible. Donc, il y en a toujours un minimum quand on doit gérer des flux monétaires, un compte en banque, peut-être quelques fichiers, des tableurs, avec des adhérents, etc. Donc, il y a aussi des outils type EloASO, mais il y en a d'autres aussi. qui permettent d'automatiser tout ça. Donc, oui, l'enjeu, c'est aussi d'être le plus simple possible pour des petites structures, notamment. On parle souvent de personnes qui n'ont pas l'habitude de la gestion d'entreprise. En effet, c'est un enjeu, notamment dans les épiceries associatives.
Karl Et alors, du coup, est-ce qu'il y a d'autres grandes obligations administratives auxquelles vont être soumises les assos? Et notamment, est-ce que tu arrives à faire une distinction entre ce qui peut relever d'obligations, de normes ou de formalités?
Matthieu Oui. Alors, on pourrait aussi discuter de tout ce qui est comptabilité et fiscalité. En la compta, c'est aussi un mot qui peut faire peur. Il faut savoir que les associations ne sont pas tenues, contrairement aux sociétés, d'avoir une comptabilité normée par le plan comptable et donc par la loi, dès lors qu'elle ne dépasse pas certains seuils. Voilà. Alors, ce qui va déclencher souvent le fait d'avoir une comptabilité très normée, c'est quand on dépasse les seuils, notamment liés aux subventions qu'on peut recevoir. Subventions, donc, ça émane d'une collectivité publique. Donc, quand ça dépasse en général 23 000 euros par an ou quand on a au moins 153 000 euros de subventions ou de dons par an. Donc là, on en est loin. Là, on doit respecter ce qu'on appelle le plan comptable associatif, qui est spécifique aux associations. À défaut, on n'est pas tenu d'avoir une compta normée. Pour autant, on peut avoir soit des membres qui décident d'avoir une comptabilité un minimum formalisée, donc plutôt en termes de bonne gestion, on dirait, soit des tiers extérieurs, type banquier, type haute financeur, qui pourraient avoir besoin d'une comptabilité qui retrace un minima. Alors, les recettes et les dépenses, parfois aussi un état patrimonial, ce qu'on appelle un bilan. Donc, recettes et dépenses, c'est plutôt compte de résultat. Et puis, patrimoine, c'est plutôt un bilan. Voilà ce qui peut nous amener à avoir une compta. Et sinon, on pourrait avoir aussi des sujets fiscaux. On pourra rentrer dans le détail progressivement. notamment quand on a des activités qui sont susceptibles d'être en concurrence avec le marché, comme on dit. C'est ce qu'on appelle la lucrativité, non pas au sens juridique, mais au sens fiscal du terme, c'est-à-dire des activités potentiellement concurrentielles. Là, on peut avoir potentiellement le fisc qui peut venir toquer à la porte. Il faut aussi s'assurer qu'on est hors du cadre concurrentiel qu'on exerce la concurrence dans des conditions différentes. On a déjà discuté de ça dans des podcasts précédents, mais c'est la fameuse règle des 4 P, prix, public, produit, publicité, pour prouver qu'on peut s'exonérer des obligations fiscales et donc de devoir payer des impôts.
Karl Mais c'est justement une question qu'on se posait à propos des épiceries autogérées, parce que a priori, en regardant le modèle de loi, on a vraiment l'impression que, d'une certaine manière, vous faites concurrence à des épiceries classiques, au sens où vous vendez pas, mais vous proposez les mêmes produits, ou en tout cas des produits qu'on pourrait trouver dans la grande distribution, à un prix qui, de fait, va être inférieur. Je ne sais pas si tu veux réagir, Ludovic, ce que tu en penses, toi, Matthieu. Vas-y, Matthieu, ouais.
Matthieu Alors, ouais, c'est vrai qu'aujourd'hui, en France, dans la doctrine fiscale, on n'a que certaines catégories d'associations qui, de par les services qu'elles rendent à leurs membres, sont exonérés de TVA. on parle des associations à caractère sportif, éducatif social et culturel donc par exemple des assos sportives des assos de soutien à des malades, une troupe de théâtre associative, ce genre d'activités qui sont hors du champ concurrentiel même si avec le cadre européen ça tend à grignoter un peu tous les domaines de l'activité européenne, aujourd'hui ce sont celles qui sont protégées donc malheureusement des activités un peu commerciales, donc tout ce qui est bar associatif, café, épicerie, là on est susceptible de rentrer dans le cadre concurrentiel. Donc pour pouvoir s'en exonérer, il faudrait pouvoir prouver que les deux critères principaux, c'est le produit. Malheureusement, c'est des produits souvent qu'on retrouve dans la distribution classique. Donc ce serait le public, on pourrait s'en distinguer. Ce que dit la doctrine fiscale, c'est qu'il faudrait que principalement, donc majoritairement, le public soit à caractère social. Donc ça peut être des personnes chômage ou handicap ou avec assistance sociale. Ce que quelques épiceries assurent, à défaut, il y aurait un risque de fiscalisation. Alors je tiens à relativiser assez vite. Ça intéresse peu le fisc aujourd'hui. Donc il y a une forme de tolérance fiscale. pourquoi? Parce qu'on parle d'activités qui sont soumises à des taux réduits de TVA et où il n'y a aucune marge donc il n'y a pas de bénéfice en fin d'année donc il n'y a concrètement aucun impôt que ce soit impôt sur les sociétés ou TVA à aller chercher pour le fisc donc à ma connaissance il y a très très peu d'associations qui se font embêter sauf celles qui vont faire le choix de faire un rescrit fiscal et qui peuvent avoir un retour négatif, c'est pour ça que parfois on déconseille le rescrit fiscal aussi. Et là où on peut se poser la question, c'est plus, dans le jeu fiscal, c'est si on veut faire défiscaliser des donateurs, où là ça peut être un peu risqué, entre guillemets. Voilà, il fallait demander de la défis aux adhérents et aux donateurs. Est-ce que tu veux réagir, Ludo?
Ludo Oui, pourquoi pas. Alors effectivement, sur les 4P, c'est comment on se positionne. Nous, on a effectivement fait pas une démarche proactive auprès des impôts pour leur solliciter leur avis. On a fait notre auto-diagnostic par rapport à ces 4P, par rapport à la gouvernance qui doit être démocratique. On estime qu'à notre elle l'est, voire davantage que d'autres modèles. Et ensuite, effectivement, ces 4P-là. Alors les produits, effectivement, c'est un peu les mêmes pour défendre vite fait le truc. C'est à peu près les mêmes que dans la grande distribution. Pour autant, alors qu'on est dans une grande ville, effectivement, pas très loin, on va trouver une biocoop, un monoprix, je ne sais pas quoi. Il faut que je dise plus de marques. Et donc effectivement, on va avoir les mêmes produits. Donc ce critère de produit n'a pas marché. Quand on est dans un village de 150 habitants à 25 kilomètres de la première ville avec des supermarchés, on va avoir pour le coup des produits qu'on ne trouve pas à côté de chez soi et surtout quand on n'est pas motorisé, etc. Donc pour le coup, il n'y a pas les produits équivalents juste à côté. Et même dans la ville où, par exemple, on a Villers-Coterêt, c'est 13 000 habitants, donc il y a deux commerces, il y a deux supermarchés. Pour autant, par exemple, leur gamme bio en forme des protéines de soja texturées, j'ai cité ça tout à l'heure, il va falloir faire des bornes pour en trouver. Donc il y a plein de produits qu'on n'a pas trouvé non plus, pas de la même manière. Pour les produits, il y a donc cet aspect-là. Effectivement, les prix, c'est 30% moins cher en moyenne. Et donc ça, c'est quand même un critère assez décisif aussi dans ce truc-là. C'est d'ailleurs un peu une sorte de moyenne qui est annoncée. C'est quand vous êtes à peu près 30% moins cher, vous êtes sûrement non lucratif, parce qu'en fait, en général, la marge, c'est 30%. donc quand vous êtes vraiment ça c'est qu'effectivement a priori vous faites pas ça pour gagner votre vie voilà mais après bon bah ça c'est après c'est aussi selon la personne qui vient vous contrôler c'est des critères assez assez flous un peu quand même et qui sont pas assez arbitraires donc même d'un coup j'ai fait un risquerie fiscal pour une autre asso on me donne un résultat je le conteste un peu et on me dit bon bah du coup ça va être quelqu'un d'autre qui va le faire maintenant et puis on verra si ça donne un autre résultat ou pas donc même eux sont conscients d'ailleurs de ce biais individuel manière d'interpréter. Donc bref, du coup, sur les prix, voilà. Sur la publicité, on ne fait pas de pub comme à la manière... Voilà. On pourrait faire un peu de pub et dire, chez nous, il n'y a pas de marge, je ne sais pas quoi, mais ce n'est pas produit par produit, on n'est pas en concurrence, on ne se fixe pas comme nous, concurrents, à quelque chose. C'est, bon, nous, on fonctionne d'une certaine manière, éventuellement, on pourrait mettre en avant le modèle, ce que d'ailleurs, on ne fait pas, mais on pourrait. Il y aura une certaine, là aussi, une certaine possibilité. Et ensuite, le public, évidemment, c'est les modalités d'accès aux produits et aux biens, aux services. Donc on n'est pas comparable à une épicerie ou à un supermarché habituel. On prend des engagements, même s'ils sont assez libres, un engagement moral à participer, on fait une avance sur sa consommation, même si elle peut être modeste, on participe aux frais, même pareil, là encore, si c'est assez libre. Donc, c'est pas non plus la même manière de consommer les choses-là. Donc, nous, on estime que c'est assez solide dans notre tâche d'autodiagnostique. Et si les impôts ne sont pas d'accord, effectivement, on s'acquittera de ce qu'il faut, qui, comme le disait Matthieu, ça ne va pas chercher très loin. C'est-à-dire qu'on va nous demander 1% de marge. Si vous voulez, on vous donne 3 euros. Et en plus, nous, financièrement parlant, intérêts... Par exemple, nous, on paye un local. Il y a 60 euros de TVA par mois sur ce local-là. En réalité, on récupérait certainement de la TVA. Puisque quand on fait la déclaration de TVA, il y a ce qu'on paye en TVA et ce qu'on reçoit. Donc de la part des membres, en tout cas des gens qui vont récupérer des produits, on ne récupère pas de TVA supplémentaire. TVA qu'on paye aux fournisseurs à chaque fois et en plus on paye de la TVA sur notre local donc on pourrait récupérer de l'argent est-ce que ça vaut tous les 3 mois de faire un inventaire une petite compta etc. pour faire une déclaration non on s'épargne ça pour 10 balles ou 20 balles
Matthieu ouais puis il y a toujours aussi une autre règle de franchise de TVA qui concerne toutes les micro entreprises quel que soit le statut SAS, auto-entrepreneurs, associations c'est jusqu'à 80-90 000 euros de chiffre d'affaires hors taxe qu'on peut demander la franchise en base de TVA
Ludo Voilà, donc il est toujours temps de faire deux asso pour être en dessous. Non mais c'est une question la dernière fois sur Alternatiba qui est venue faire une émission, il y a vraiment ce truc là des fois, il y a une prise de risque on a pu voir avec L214 des fois que ça a agi au nom d'eux, en fait fait 38 asso ça se fait en deux secondes une asso donc c'est sectorisé il y a ce truc là pour la fiscalité de sectoriser son activité lucrative de la séparer mais en fait même les activités diverses et variées sectorisées et puis voilà faites 38 structures, ça va vide il n'y a pas de conséquences
Matthieu Oui c'est plus facile que la sectorisation Oui en plus
Karl Si même Matthieu nous conseille de faire de multiples esso
Yaël J'allais dire je vois le regard de Karl qui se voile
Karl Mais du coup en fait ça fait Parce que bien le lien avec la dernière question qu'on voulait te poser, ça fait longtemps qu'on t'a pas eu ici au podcast, Matthieu. Et en fait, au fur et à mesure des épisodes avec Yael, on note un renforcement des contrôles, des contraintes qui pèsent sur les assos. Le dernier épisode était consacré au contrat d'engagement républicain. Il y a des choses qui sont en apparence anodines, mais qui ne le sont peut-être pas tant que ça. Par exemple, on doit maintenant déclarer le nombre de dons qu'on reçoit aux appôts. On a des attestations concernant le blanchiment d'argent, le financement du terroriste, etc. Et donc, en fait, on voulait un peu avoir ta réaction sur ce sujet-là, au sens de, est-ce que toi, tu perçois aussi cette tendance à de plus en plus de contrôle de l'activité associative? Et puis, au-delà de ça, justement, dans le cas de Ludovic, quelles conséquences tu perçois sur les modèles d'autogestion et les associations libres ou souples?
Yaël Surtout peut-être, juste pour témoigner là-dessus, en plus, ces attestations et ces déclarations vont avec, on doit donner, en plus, on doit joindre des PV d'AG, des bilans comptables, même pour des toutes petites assos. C'est pas juste signer un papier.
Matthieu Alors, la France a cette capacité à créer une bureaucratie illimitée qu'on connaît depuis plusieurs années menant, puisque déjà, il faut savoir que même nous, experts comptables, on nous demande de demander la carte d'identité des dirigeants des associations. Parce que, par exemple, nous, À Paris, on ne fait pas parce qu'on considère qu'on n'est pas flics, mais on peut être soumis nous-mêmes à des contrôles si jamais on ne le fait pas. Ce que la plupart des cabinets font pour éviter d'être embêtés. Les banques le font. Ça, ne vous inquiétez pas. Les banques, dès qu'il y a une obligation légale, elles ne veulent pas être embêtées. Donc, c'est les premières concernées. Donc, il y a tout ce qui est des déclarations, les déclarations à track find, dès lors qu'on voit des mouvements de fonds irréguliers, notamment liés au blanchiment et au financement du terrorisme. Donc, dès qu'on a un soupçon, il faut le déclarer à une entité qui s'appelle TRACF1, nationale, TRAC sur la fonte financière. Et depuis peu, alors, c'est à notre grande dame, grande dame du mouvement associatif et tous les acteurs, les institutions de l'ESS, on voit un tournant, alors, entre guillemets républicain, mais pour moi, qui dénote une extrême droitisation aussi de nos politiques, vers, dès qu'il y a des fonds étrangers, il faut les déclarer. Tout ce qui touche à l'étranger est, par essence, mauvais, risqué. Les banques, je vous le jure aussi de demander plein de nouveaux éléments, documents, pour voir s'il n'y aurait pas des choses bizarres qui se passeraient dans l'association, donc des PV, etc., des comptes. On a aussi les préfectures, surtout ce qui est fonds de dotation, parce que les fonds de dotation sont gérés aussi par les préfectures. Dès lors qu'il y a des mouvements un peu bizarres, ou qu'il n'y a pas d'activité ou autre, on sent qu'il y a une pression croissante. Aujourd'hui, ceux qui sont entre guillemets épargnés, c'est le fisc. Pourquoi? Parce que les contrôleurs fiscaux ont de moins en moins de moyens. Donc, il faut aussi le dire, c'est une réalité qu'on vit. Moi, j'ai mon père contrôleur des impôts, donc je sais en parler aussi.
Karl C'est génial, ça, quand même.
Matthieu On crée des lois, mais qui ne sont pas toujours suivies des faits, parce qu'on ne met pas les moyens derrière, aussi. Donc, de temps en temps, ça va être aller, on va embêter les assos sur le terrorisme. Après, sur les, j'ai envie de dire, les petites assos comme nous, là, celles dont on parle, bon, le fisc, si on ne va pas les voir, ils ne vont pas... venir nous embêter, sauf s'il y a une dénonciation d'un concurrent mécontent ou s'il y a une vraie concurrence déloyale ou autre chose. Il faut aussi avoir raison de garder. Et puis là, encore une fois, on est sur des non-sommes, pour moi, à récupérer par le fisc. Donc le fisc, il va là aussi où il y a de l'argent à récupérer. C'est pour ça que je parlais plutôt des logiques de défiscalisation où là, il faut être un minimum vigilant, mais on peut se baquer avec une auto-analyse comme le fait Ludovic. Donc concrètement, on a ce poids des normes qui forcément a un impact sur la vie associative, parce qu'on n'a pas envie de gérer une association si c'est pour gérer de la paperasse, ça on le fait tous. Et puis, en âme de fond aussi, on a, je parlais un peu de l'Union européenne, qui tous les quatre ans renégocie qu'est-ce qui rentre dans le dogme de tout ce qui est libéralisme. Donc on avait des exceptions aujourd'hui, notamment tout ce qui est services d'intérêt économique général. Chez nous, on dirait toutes les activités d'intérêt général. Là, on a un peu moins d'obligations, on peut avoir plus de subventions, on peut avoir des défiscalisations. On peut ne pas payer des impôts. Mais de plus en plus, le champ des activités qui sont dans les exceptions rétrécit. Et on peut se penser récemment à tout ce qui est ressourcerie, recyclerie, qui s'en sont émus. parce que de plus en plus, on va leur dire qu'elles aussi, elles devront s'acquitter des impôts comme IKEA qui fait de la réparation et de la récupération des invendus. Donc ça, c'est un phénomène qui dépasse la France aussi. Avec le déploiement de politiques libérales, néolibérales qui s'adressent à tous les domaines de l'activité humaine aujourd'hui. C'est pour ça qu'on parle de plus en plus d'associations économiques d'entreprises associatives ou non lucratives. Peut-être qu'un jour, on parlera plus de lucratif et non lucratif. On dira que tout est lucratif par essence.
Ludo En tout cas, nous, on ne joue pas trop sur cette affaire de... C'est parce qu'il n'y a pas de contrôleur qu'on se permet des choses pour assurer aussi. On prend cette droite dans nos bottes. Quand bien même il y aurait un contrôle, ça concerne des sommes ridicules. Ça nous mettra une charge de travail un peu plus élevée, c'est-à-dire qu'il y a quelqu'un qui fera modeste pour le coup, mais en tout cas qui fera les entrées sorties et qui mettra ça dans un document et qui la renverra.
Yaël Ce qui prend quand même du temps.
Ludo Oui, on n'est pas obligé de le faire après de certaines manières non plus. C'est-à-dire, petit compte du résultat à la cool. Ou voir délivrer les documents. On a à disposition l'administration fiscale, nos factures, les fiches.
Karl Si ils veulent les analyser, c'est leur problème.
Ludo Oui, on n'a malheureusement pas les moyens, on n'arrive pas à se structurer pour faire ça. on pense être droit et puis l'enjeu, si jamais on n'est pas inquiété on n'est pas en danger et ça ne changerait pas le modèle non plus fondamentalement après si quelqu'un voulait faire des dons, des subventions on conseillerait plutôt de faire une asso les amis d'eux et vous faites votre rue dans votre coin en plus vous embarquez pas tout le collectif là-dedans et puis faites votre rue et vous êtes responsable de ça dans votre coin voilà et un tout et autre mot sur la loi effectivement on doit fournir des administrateurs en fait mais n'est pas préciser ce que c'est qu'un administrateur donc on n'est pas obligé de surinvestir non plus ce mot là de tout ce qu'on met d'habitude de présidence etc de gestion donc nous on spécifie notre administrateur il transmet le courrier quoi il transmet le courrier et puis il est responsable de ça et puis c'est les autres gens qui sont après responsables de ce qu'ils font et voilà donc en plus on limite dans les statuts vraiment sa responsabilité parce que ça peut être inquiétant aussi pour quelqu'un qui s'imaginent, oh là là, le président, il pourrait être en procès, je ne sais pas quoi. Non, en fait, t'inquiète, ta responsabilité, c'est de nous passer le courrier. Si tu ne nous as pas passé le courrier et que l'État t'a envoyé 38 demandes de je ne sais pas quoi, t'as ta responsabilité un peu plus individuelle, mais voilà, on te sécurise un peu aussi dans le truc, et on fait en sorte que tu ne prennes pas de pouvoir non plus, que tu ne te sentes pas pousser des ailes. Voilà.
Yaël En plus de ce que tu disais tout à l'heure, vous avez quand même quelqu'un, donc une ou deux personnes, qui ont quand même un oeil sur le compte, c'est-à-dire même si ce n'est pas sous forme de tableau formalisé, etc.
Ludo Qu'on ne soit pas dans le rouge.
Yaël Oui, vous savez quand même ce qui se passe. Ce n'est pas YOLO.
Ludo Oui, mais le savoir, et ce qui se passe, il y a des granularités différentes. Là, on sait que c'est dans le rouge, ce n'est pas dans le rouge. Ce n'est pas dans le rouge, et il y a une liste d'attente éventuelle de personnes qui veulent commander. Voilà notre gestion comptable.
Yaël Du coup, ce que je te propose pour la deuxième partie, mais en fait, on est déjà quasiment à la fin du podcast, donc on va prendre le temps quand même un peu. En fait, de revenir sur un peu l'historique du projet et justement comment vous êtes stabilisés un peu sur cette forme-là, d'autant plus que, comme tu le disais tout à l'heure, en fait, quand on parle d'épicerie autogérée ou coopérative, souvent, on ne pense pas forcément à des associations, mais plus à des coopératives. Et d'ailleurs, il y a un modèle qui revient tout le temps. Je pense notamment à la Louve, J'en parle d'autant plus que j'ai été coopératrice, mais j'ai été virée le mois dernier, justement parce que c'est des modèles qui sont assez lourds, où tu as des services à faire une fois toutes les quatre semaines. Et ça va avec, contrairement à ce que toi tu présentes comme modèle, avec une vision du travail qui est très découpée. Quand tu fais ton service, tu as telle tâche, telle tâche, telle tâche. Et du coup, si tu ne le fais pas, tu te fais virer. Donc voilà, c'était pour ça, si vous voulez tout savoir. mais du coup, ça va avec des contraintes et des devoirs. Enfin bon, bref, c'est un gros modèle. Du coup, est-ce que tu peux revenir un peu sur votre cheminement, peut-être les tâtonnements que vous avez eus? Et du coup, ça fait reposer un peu la question de tout à l'heure. Tu disais, il n'y a pas de réunion. Et en gros, on discute que par mail. J'exagère, je tire le trait. Non, c'est vrai. Du coup, je ne tire même pas le trait.
Ludo On ne discute pas tant que ça.
Yaël Voilà, c'est ça. Du coup, comment vous avez tâtonné sans discuter?
Ludo Oui, c'est une base qui est posée dès le début, ce truc de, on n'aura pas d'âge, et c'est quelque chose qui soulage aussi un peu tout le monde, au début, c'est-à-dire on ne se lance pas dans un énième projet qui va nous prendre toute notre vie, et dans lequel on va mettre trois heures par semaine, parce qu'on veut absolument que ça tienne, donc il y a un truc, on va voir, on démarre petit, on s'est basé sur un modèle, on s'est dit que c'était bien pour démarrer, puis qu'on verrait en faisant, et ça a pris, donc, avec l'idée aussi de, si ça rate, ça rate. Il y a ce truc de lâcher prise quand même qui nécessite ça. C'est-à-dire que si on veut absolument que ça marche coûte que coûte, évidemment, on va faire en sorte que dès le début, on ait plein de produits, des beaux rayons, etc. Et que donc, les gens qui viennent fassent « Ah, c'est formidable, je reste, etc. » Là, celui qui voit les rayons au début, c'est-à-dire qu'on avait un local, par exemple, à Cocoricoop de 80 mètres carrés, il y avait trois étagères avec des produits au début. Donc, c'est ridicule. En plus, un truc un peu défraîchi comme local. Ceux qui s'attendent, effectivement, le côté satisfaction client, ils vont à Leclerc. Donc là, on n'est pas du tout sur cet aspect-là, vous n'êtes pas content. Soit il y a un petit challenge pour vous et vous investissez et vous faites en sorte que ça soit à l'image de ce que vous voulez, vous avez tous les moyens pour le faire. Et la légitimité, vous avez vos responsabilités et on se fait confiance. C'est vraiment le truc. On se fait confiance a priori et si un truc ne marche pas, à un moment donné, on verra bien. Mais donc vraiment, on est parti sur ce modèle-là, on l'a même encore un peu plus simplifié, un peu plus de liberté encore, mais il s'avère que ça marche. Alors du coup, on n'a pas eu besoin de revenir particulièrement en arrière, deux, trois ajustements par ci, mais en fait, c'est dur à faire comprendre qu'effectivement, il n'y a pas besoin. Mais bon, parce qu'effectivement, le sujet, c'est aussi pour ça que tout à l'heure j'ai dit sectorisé peut-être en plusieurs assos quand on a différentes activités, parce que ça permet d'être sur une activité très claire sur ce qu'on va faire, pas d'interférence avec d'autres activités qui pourraient y avoir une concurrence sur des fonds, etc. Il y a une activité, c'est très précis. Donc il n'y a pas besoin de se remettre d'accord non plus toutes les 30 secondes sur cette activité-là. Elle est très claire. et puis là c'est aussi un sujet facile c'est à dire il y a des produits s'ils plaisent pas ils restent un peu plus longtemps mais ils finiront par partir s'ils plaisent ils vont partir et puis donc ce sera recommandé c'est pas comme si on faisait un investissement dans une machine de 4000 euros et puis en fait c'est pas le bon investissement qu'il fallait faire, c'était pas de la bonne qualité ou personne s'en sert finalement de celui-là, il y en aurait mieux fait d'acheter ou là peut-être qu'il va falloir discuter un peu plus parce qu'on avait que 4000 euros et si on les met dans cette machine plutôt que celle-là bah là il y a un enjeu fort là bon 12 paquets de pâtes à 70 centimes quand je fais ma commande ou 24, est-ce que je prends des farfalles ou des spaghettis? L'enjeu est minime et puis si ça n'a pas raté ce mois-ci il n'y a pas assez de spaghettis, j'en aurai un peu plus le mois prochain Voilà, donc en fait il y a très peu de discussions, la plupart des échanges sur la mailing list, c'est dans très pratique, il y a une palette qui arrive j'ai constaté qu'il n'y avait plus d'eau au robinet, des choses comme ça Et voilà il y a très peu d'enjeux de pouvoir. Comme il n'y a pas un endroit non plus... En fait, souvent, il y a des discussions aussi, parce qu'on a créé des lieux ou des processus de décision où il va falloir être en confrontation, remporter un vote éventuellement, remporter une décision, arriver à convaincre tout le monde pour avoir le droit de faire ce qu'on veut faire. Donc, en AG, il va falloir que j'ai 50% ou un consentement ou 66%, enfin bref, peu importe les modalités. Et donc, il va falloir convaincre, se battre contre d'autres qui ont des intérêts différents et pour savoir où est-ce qu'on met une étagère. C'est peut-être pas nécessaire. Donc après, des fois, il peut y avoir des enjeux qui nécessitent une discussion. Là, dans l'épicerie, il y en a très peu. Et donc, comme par ailleurs, j'ai le droit de faire mon expérience, j'ai pas besoin de me battre sans fin, j'ai pas besoin de discuter sans fin. Et puis, tu as déplacé l'étagère, je suis pas trop d'accord, je la redéplace. Non mais, et puis, je suis avec l'étagère à cet endroit-là, il n'y a pas trop de... Donc, on peut s'autoriser d'aller d'essayer de se faire confiance d'abord que quelqu'un tente quelque chose, et puis après, ça marche, ça marche pas. Et la personne, sans tête ou pas, et puis ça n' il y aura peut-être un rapport de force interpersonnelle qui peut se créer. Bon, c'est-à-dire que ça n'arrive pas. Il y a eu deux rappels sur le ménage. Et le seul un peu conflit qu'il y a eu au sage de ton qu'il y a pu avoir en trois ans et demi à Villers-Cotterêts, c'est sur un truc qui n'est pas en lien avec l'épicerie. C'est quelqu'un qui dit, moi je fais un groupe qui rassemble des femmes pour discuter, etc. Et il y a un réac qui a dit, écoutez, vous faites chier avec vos trucs woke. Et donc, il s'est fait rabouer par trois personnes par mail. ça c'est pas aller plus loin voilà donc c'est ça qui a eu comme enjeu, qui est un peu extérieur évidemment l'extérieur peut jouer là-dessus autrement on a tellement fait en sorte que chacun puisse faire ses trucs que ça crée pas de cristallisation d'endroits où il va falloir discuter, discuter, discuter pour avoir le droit de tenter quelque chose ça me semble être une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de conflit et pas de besoin de discussion
Yaël je me dis c'est marrant parce que nous dans notre asso en fait vu qu'on est une asso où on discute c'est le but on fait des débats du coup les gens ils viennent pour discuter et donc typiquement les AG et même l'AG compta mine de rien c'est celle peut-être où les gens sont le plus au taquet parce que en plus on a une toute petite compta avec 3000 euros par an en fait 100 euros tu le traces bien et c'est là où tu commences à parler de stratégie Du coup, c'est assez rigolo de voir. Enfin, j'ai du mal à imaginer. Mais peut-être que j'ai trop de prises dans cet asso.
Ludo Peut-être que tu es obligé de faire une comptable pour avoir ce genre de discussion stratégique. Il y a peut-être une autre chose qui ne nécessite pas ce travail en amont, de faire une comptable précise, etc. et qui va te permettre d'en moins d'avoir des discussions stratégiques avec d'autres outils, avec peut-être moins d'enjeux sur certaines choses. Après, je ne dis pas que c'est applicable à tous les cas. Vraiment, la particularité de l'épicerie, c'est que c'est assez facile, que de base, il y a très peu d'enjeux. Et donc, c'est un modèle qui va fonctionner pour ce genre de choses-là. Et si vous identifiez dans vos assos quelque chose qui pourrait être de cet ordre-là, peut-être séparez-le du reste des activités pour pas que ça soit pollué par les autres choses. Et là, vous pourrez tenter quelque chose où vous allez pouvoir un peu kiffer ce truc-là, où on va se faire confiance et où il y a des choses qui marchent assez magiques. Au-delà vraiment de... C'est-à-dire que nous, on a beau avoir visité d'autres choses avant, et de voir que concrètement, visiblement, ça marche. Ils sont 250, ça fait trois ans et demi. Quand on lance la nôtre, on se dit, ils nous ont peut-être pas tout dit, peut-être qu'ils rembrouillent. Et ouais, c'est la magie. Il y a un truc assez fou et qui se reproduit, et qui est un peu le retour qu'on nous fait souvent. C'est bluffant et c'est assez jouissif.
Karl Et ça veut dire qu'à la base, lorsque vous avez créé la structure, vous êtes parti, tu dis nous, vous êtes parti d'un groupe d'amis, d'un groupe de voisins. Est-ce qu'il y a déjà une structure qui, au préalable, permet d'avoir une confiance entre les personnes?
Ludo Non. Voilà, non. Moi j'ai lancé... Oui et non. Alors à Villers-Cotterêts, moi j'étais sur un écolieux dans la forêt avec des gens. Donc il y avait des gens qui nous connaissent vaguement. Et en même temps, ce lieu passe aussi un peu pour le lieu du Luberlu. Donc il y a à la fois de la crédibilité, parce qu'il fait des trucs sur le territoire, et à la fois un peu une distance et un truc de... On ne sait pas trop ce qui s'y passe. Donc ça joue dans les deux sens, je pense. En tout cas, on a envoyé un mail sur divers mailing lists, etc. Des gens sont venus, qui ne connaissaient pas deux à deux. Ou occasionnellement, enfin exceptionnellement, une quinzaine de personnes. Moi, je n'en connaissais pas la moitié. Et encore, connaître, c'était vite fait. Donc non, ce n'est pas ça qu'a fait le collectif. Et au contraire... Et donc la plupart des épiceries qui se montent, par exemple, on a monté une autre, où ça s'est fait pendant le Covid, pendant le confinement. Donc on a envoyé des mails sur des mailing lists dans une ville à 30 bornes de Salon en journée. et diverses personnes sont venues qui ne se connaissaient pas non plus plus quelques séances de visio et ils ont créé leur épicerie comme ça sans se connaître en amont et qui marche très très bien la haricocoop donc à 60 et donc oui donc c'est pas nécessaire et on a pu voir au contraire dans d'autres groupes où des gens se connaissaient étaient assez proches et éventuellement même avaient été dans un groupe un peu militant collectif associatif avec certaines pratiques et qui n'étaient pas les mêmes notamment c'est un groupe colibri, et donc avec des pratiques sociocratiques, etc. Donc il y avait un peu cette culture-là, une certaine vision aussi de ce que c'est la démocratie, et qui ont eu du mal à mettre en place leur épicerie. Du coup, c'est quand même assez affiché que c'était ce groupe-là qu'ils lancent, et ils sont revenus, malgré leur enthousiasme avec le modèle, à des fonctionnements qui ressemblent un peu à ce qu'ils avaient avant. Voilà, donc ça a plutôt été un... à mon sens, une difficulté qui traverse, et qui explique pour eux quelques galères, qu'un point positif. C'est un modèle qui se lance avec des gens qui ne se connaissent pas. Et donc, comment on fait cette confiance? Oui, je ne sais pas, il y a un truc assez magique. Parce que, d'habitude, on passe deux heures à expliquer le modèle, il y a d'autres épiceries qui marchent, et on peut dire, bon, ça marche, en fait. Donc, on peut essayer, et puis si ça ne marche pas, qu'est-ce qu'on a perdu? Une petite partie de cotisation libre, 10, 20, 30, 40 euros. Peut-être que sur les 100 euros, 30 euros, 50 euros que j'ai avancé pour ma future consommation, il va y avoir un peu de perte, et je vais perdre 10 balles. Bon, je perds 30 balles Par contre, je peux tenter un truc assez chouette. Et en fait, c'est-à-dire que derrière, ça marche plutôt bien. Donc, l'investissement non plus, il n'est pas ouf. C'est-à-dire que je ne me mets pas en danger sur ce truc-là. Je peux tester, on peut partir de ce principe-là. Et c'est ce qui a fait que chez nous, les gens vont accepter aussi ce truc. Effectivement, on risque pas grand-chose, on teste. Et puis, ça ne marche pas. On va revenir vers des schémas plus classiques qu'on connaît.
Yaël Merci. Je me dis peut-être, Matthieu, parce que justement, là, Ludovic, tu venais de parler de sociocratie. Je crois que c'est quelque chose que vous mettez en place à Finacoop. Peut-être en deux mots, tu peux nous donner un peu les différences de fonctionnement ou ce que ça t'inspire en tout cas en termes de différence de philosophie aussi derrière?
Matthieu Oui, bien sûr. Nous, c'est vrai qu'on revendique pas mal de formes de gouvernance partagées qui vont puiser des inspirations dans tout ce qui existe, notamment l'autogestion, d'autres méthodes issues de la sociocratie, de l'holacratie. On peut aussi parler des entreprises libérées. Donc, il y a tout un mouvement avec des pratiques historiques qu'on retrouve dans les petites comme les grosses entreprises, dans l'ESS comme dans les entreprises classiques. Nous, on a essayé de faire un patchwork de tout ce qui nous a plu. Donc, on parle beaucoup de design de l'organisation, de posture de gouvernance partagée et ensuite de méthode et technique de gouvernance partagée. Par exemple, nous, on a plusieurs temps qui sont consacrés dans le mois. On fait des réunions de créativité, de débats avec des techniques dédiées. On a des réunions de prise de décision. Par exemple, on pratique beaucoup la gestion par consentement. On a des... Alors, parfois, on fait du tirage au sort. Si on n'a pas envie de mettre toutes les personnes de la coopérative pour chaque décision, qu'on a selon le caractère stratégique ou pas de la décision, on va partir d'une, deux personnes, parfois trois personnes, si par exemple, c'est des embauches. Ça commence à être un peu plus stratégique, avec notamment du tirage au sort. Ensuite, ça remonte à toute l'équipe, si ça impacte toute l'équipe, à la coopérative avec toutes les parties chroniques, donc salariés, clients, partenaires, si ça n'impacte tout le monde. Donc voilà, selon le niveau décision. Après, on a des formes d'élections. Alors nous, c'est de l'élection sans candidat qu'on pratique. Je conseille cette méthode à tout le monde. On définit des critères de choix, du type de profil qu'on aimerait avoir. Et ensuite, il y a des personnes qui proposent des noms. Voilà, c'est comme ça que ça se pratique. Il y a aussi tout ce qui est gestion par tension. Donc ça, c'est si on veut faire remonter les tensions dans l'équipe et les traiter positivement. C'est qu'il y a une place importante pour les émotions dans ce processus-là. C'est pour ça qu'on fait des gestions par tension. C'est pour ça qu'on fait des tours de météo en début et fin de réunion. Pour dire un peu comment on sent, comment on revient, comment on est. Après, je dirais que l'enjeu, c'est arriver à l'adapter à mesure que la structure évolue. Quand on est petit, on est moins de 6-8 personnes, ça va, on peut avoir très peu de règles et on peut se faire très vite confiance, prendre les décisions ensemble. Quand on dépasse un certain nombre, c'est là où les règles sont plus importantes et qu'il faut accepter de ne pas tout décider tous ensemble, à mon sens.
Yaël Et en fait, là, je pense que ça revient un peu avec ce que tu disais, Ludovic, c'est aussi une question d'activité. Parce que je réfléchissais même par rapport à ce que je disais sur le côté orientation, stratégie ou je ne sais pas quoi. Parce que tu disais, la stratégie, c'est de savoir si tu prends des palettes de Nutella ou de chou-fleur. Donc, ce n'est pas exactement les mêmes. Sauf s'il y a des choix de local.
Ludo Pour autant, pour des gens, c'est un enjeu. C'est-à-dire qu'ils viennent là parce qu'ils veulent des produits locaux, du bio. Et ça pose problème pour eux qu'il y ait à côté des produits en sachet et des produits non bio en tout cas. pour qui c'est un enjeu vraiment et qui aurait, et c'est assez marrant, qui voudrait des fois mettre en œuvre éventuellement une charte pour empêcher, interdire, etc. Donc, il peut y avoir un truc de stratégie, etc. Il y a un parti pris. En fait, la stratégie, elle est fixée en amont. Tout le monde va pouvoir faire ce qu'il veut là-dedans. Et ça aurait été autre chose, ça aurait été autre chose. C'est-à-dire, ça aurait été, ici, c'est que du bio, elle est fixée en amont, elle est plus rediscutée, vous adhérez au projet, vous n'adhérez pas. Et donc, elle est posée une fois pour toutes sur le projet. Évidemment, sur d'autres trucs, on va créer différents où c'est plus complexe, là ça va être énormément plus difficile. Après oui, il n'y a pas de solution magique. Quelqu'un qui nous dirait la sociocratie ou la manière dont nous on se gênerait, c'est la solution qui s'applique à tous les cas, évidemment c'est une escroquerie. Donc il n'y a pas une méthode qui s'applique à tout. Il y a des méthodes à l'élection candidat chez nous, ça ne ferait pas de sens. C'est même parfois un peu discutable sur qu'est-ce que ça amènerait de... On juge un peu la compétence et des fois un peu le mérite. C'est toujours du temps tangent et en fait nous on tire au sort et puis en plus on a découpé les tâches pour qu'elles soient à la fois qu'elles soient l'occasion le moins possible de prendre du pouvoir sur le collectif et en même temps qu'elles restent très simples, très abordables qu'elles ne prennent pas de temps, au minimum je paye quelques factures dans le mois je me connecte trois fois sur le compte en banque et puis c'est tout, en deux heures c'est fait donc il n'y a pas besoin et donc on veut aussi faire comprendre à tout le monde que vous pouvez le faire en fait, il y a un truc où il n'y a pas besoin d'être aussi glorifié éventuellement que 50 personnes reconnaissent notre capacité tout le monde l'a et si vous ne l'avez pas, vous pouvez refuser vous pouvez décliner si vous vous estimez vraiment et sinon on peut aussi t'amener à prendre confiance et voilà et donc pareil, les modèles des épiceries libres ne s'adaptent pas à tout, évidemment
Karl Et alors Ludovic, si on veut en savoir plus sur votre modèle est-ce qu'il y a un moyen de vous contacter, de venir voir ce que vous faites?
Ludo Oui, merci effectivement on a un site qui s'appelle cooplib.fr et notamment visio pour les gens qui veulent en savoir un peu plus, donc un peu ponctuel. La prochaine sera le 6 mars à 18h30. Vous trouverez du coup le lien de la visio sur le site web à ce moment-là. Cool. Voilà, merci.
Karl Du coup, ça fait une belle conclusion. Ouais, c'est une super conclusion. Merci Ludovic. Et puis merci Matthieu aussi de nous avoir accompagnés et d'avoir répondu à nos questions pour ce nouvel épisode de Questions d'Assos. Le podcast part et pour les assos. Et merci à vous de nous avoir écoutés. On espère que cet épisode vous aura été utile, que vous aurez pris plaisir à l'écouter. Si notre discussion a pu faire écho à des situations que vous avez pu vivre, nous vous invitons chaleureusement à nous le dire en nous envoyant vos témoignages par mail à l'adresse lo.question-asso.com que vous trouverez dans la description de cet épisode. Pour rappel, vous pouvez nous suivre sur votre plateforme de podcast préférée sur Soundcloud, Spotify, Deezer, Apple Music ou Google Podcast. Vous pouvez également vous abonner à notre newsletter pour ne manquer aucun épisode et vous retrouverez toutes les informations, les liens, les ressources que nous avons évoquées durant notre discussion sur notre site web. Cet épisode a été réalisé avec le soutien de la MAIF et de la métropole de Lyon. Aujourd'hui, c'était Guillaume Desjardins de Synchrone TV qui était à la réalisation. Et la jolie musique que vous allez maintenant entendre est l'oeuvre de Sounds of Nowhere. Merci de nous avoir écoutés et rendez-vous le mois prochain pour un nouvel épisode de Questions d'asso.
Ca arrive !