► Épisode 8

Comment ne pas subir sa transformation numérique ?

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Depuis le covid, la transformation numérique est devenue un passage obligé pour nombre d’associations. Pour maintenir le lien avec les bénéficiaires, mais aussi entre membres, les services et plateformes numériques apparaissent comme LA solution.

Pourtant, l’adoption de solutions numériques n’a rien d’anodin : perte d’expertise due à une mauvaise maîtrise des outils déployés, réorganisation des services, redéfinition des missions et des rôles de chacune et chacun, réagencement des relations sociales… les bouleversements que peut causer l’arrivée du numérique dans une structure sont rarement anticipés.

Comment ne pas subir sa transformation et faire du numérique une opportunité de repenser collectivement son organisation ?

Aujourd'hui, nous explorons ces questions avec Mine de rien, et son représentant Arnaud.

Enregistré le
22 septembre 2023
Réalisation par
Guillaume Desjardins, synchrone.tv
Sur une musique de
Sounds of Nowhere - “It Goes On...”
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Creative Commons Attribution (2.0)

La question d'expert

La transfo num, quels enjeux pour les assos ?

Imadeddine Hassani, chargé de mission numérique au Mouvement associatif qui a produit récemment un état des lieux sur les pratiques numériques des associations.

L'édito

Ça fait longtemps qu’on nous demande de faire un épisode sur le numérique. Et pour être plus précis, la demande vient plutôt de structures nationales qui accompagnent les associations. Avant d’être soutenus par la Maif, c’était même une condition qu’on s’est vue opposée de manière assez récurrente par les potentiels financeurs et partenaires qu’on est allé rencontrer : “on vous soutient si et seulement si dans votre podcast vous parlez de la transfo numérique des assos !”

Je pense que maintenant, on peut le dire : on était assez gêné – d’ailleurs c’est une condition qu’on a systématiquement refusé. On ne voulait pas se restreindre à cette seule question, qui nous semblait bien réductrice par rapport à l’ensemble des enjeux que peuvent connaître les associations. Et cette injonction qu’on se voyait imposer, nous semblait faire échos à l’injonction que les associations ont de se “moderniser”, de “passer au numérique”.

Je me souviens d’une association de librairies indépendantes qui nous avait confié qu’une collectivité leur avait annoncé qu’elle allait retirer sa subvention si l’association n'innovait pas. La subvention en question permettait à l’association d’assurer la maintenance d’une plateforme de mutualisation de stocks des librairies membres. Concrètement, le retrait de la subvention pouvait signifier l’arrêt de la plateforme.

Pourtant, l’association estimait ne pas avoir besoin de nouveaux services sur cette plateforme. Et l’innovation proposée par la collectivité – un service de paiement en ligne – était tout simplement inacceptable pour l’association.

Pour les librairies membres, l’ajout d’un service de paiement en ligne, ça se traduirait “dans la vraie vie” par la création de deux files d’attente dans les librairies (les personnes qui ont déjà payé et viennent juste “retirer” leur livre, et les autres), voire la création d’un poste entièrement consacré à la gestion du retrait des commandes payées (poste bien éloigné du métier de libraire qui repose sur le conseil, l’accompagnement des clients qui déambulent dans la librairie, etc.).

Cette transformation “métier”, on la retrouve souvent lors de l’introduction d’une nouvelle technologie, d’un nouveau service numérique ou d’une nouvelle plateforme. Mais le plus souvent, ce sont des transformations subies => la technologie est introduite et ensuite, c’est aux équipes, aux bénéficiaires de s’adapter, sans que l’organisation ne soit vraiment repensée. Ce qui peut provoquer à plus ou moins court terme des injonctions contradictoires (ce qui est fait, ne correspond plus aux attentes / à la vision que les personnes ont d’un travail bien fait, de qualité), et in fine de la souffrance.

Alors comment inverser la tendance ?

Dans la lignée des travaux sur la démocratisation des choix technologiques – c’est-à-dire l’ouverture des débats et des prises de décisions liées aux sciences et aux techniques à des publics dits non experts (citoyens, collectifs organisés, etc.) – l’Anact (l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) met en place un certain nombre d’expérimentations en faveur du « dialogue technologique ».

Le dialogue technologique, qu’est-ce que c’est ?

C’est l’organisation de discussions collectives autour de l’introduction de technologies ou services numériques dans une organisation. Ces discussions peuvent prendre place dans les IRP - instances représentatives du personnel (pour les structures de +10 salariés) ; d’ailleurs, dans ce cadre, un expert peut être sollicité pour évaluer les grands projets technologiques et en identifier les risques socio-organisationnels. Mais elles peuvent aussi avoir lieu entre groupes professionnels de structures différentes – aujourd’hui la numérisation des services publics donnent lieu à de nombreux groupes de réflexion sur la refonte des référentiels métier, la création de formations ad hoc. Au niveau européen l’IA Act est aussi l’occasion de mobiliser les syndicats sur la régulation de ces nouvelles technologies.

Dans les petites organisations de moins de 10 salariés, c’est plus compliqué. rien n’est envisagé légalement, et les structures ont souvent peu de poids – peu de financements aussi – pour définir leur propre cahier des charges en fonction des besoins exprimés sur le terrain. La gestion quotidienne prend le pas sur les discussions stratégiques, les équipes sont peu mobilisées ; et si adoption de nouveaux services il y a, ça va être souvent dans l’urgence et de manière non anticipée, avec les services les plus visibles et/ou les moins chers.

Alors que Karl et moi, on a des assos assez critiques sur la manière dont sont aujourd’hui conçus les services numériques, on doit vous avouer qu’on n’échappe pas à ces choix faits par facilité et dans l’urgence : on dépend encore de services propriétaires, même si on essaie de s’en dégager progressivement. S’en dégager, ça a un coût – Karl tu pourras peut-être nous en parler – et des conséquences en termes de fiabilité de l’activité (je me souviens d’un tableur qu’on avait fait pendant le covid sur les technologies de surveillance qui fleurissaient… on avait commencé sur un google sheet par facilité, on est vite passé sur d’autres services - on a dû en essayer 4 ou 5 différents, et même pour les plus robustes, on avait des lignes qui sautaient et on a avait une membre qui chaque jour devait tout enregistrer / tout reprendre pour consolider le tableau à la main… un boulot démentiel – surtout quand on est tous bénévoles ! ; sans compter tous les framapad ou framaforms qu’on a perdus…)

Bref, discuter collectivement de ce que font les technologies au travail, ce n’est pas simple, ça demande des organisations, des accompagnements spécifiques. Partir du travail réel / de l’activité réelle pour définir ses besoins en termes d’outils numériques, ce n’est pas simple non plus… et trouver les outils correspondants, l’est encore moins !

Tout ça pour dire, qu’on est très heureux de recevoir Arnaud et Imad aujourd’hui pour donner quelques billes et permettre aux assos qui nous écoutent de prendre un peu de hauteur sur ces sujets qui peuvent vite paraître techniques.

Vignette de l'épisode
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