L’association peut-elle être un mode d’entrepreneuriat ?

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Yaël Question d'asso, le podcast part et pour les asso. Dans l'imaginaire collectif, l'objet d'une association est nécessairement tourné vers une cause ou un but social. Favoriser la pratique du sport, développer un secteur culturel ou militer pour un projet de société. Mais pourquoi l'association ne pourrait-elle pas être un mode, voire une modalité d'entrepreneuriat? Pourquoi, lorsque l'on se lance dans une création d'entreprise, ne pourrait-on pas créer une association, en lieu et place, d'une entreprise individuelle, d'une SARL, d'une SAS ou d'une autre forme juridique d'entreprise? C'est ce que tentent de faire certaines associations, souvent à mi-chemin, entre démarches entrepreneuriales et militantismes sociales. Dès lors, quels sont les objectifs de ces structures? Ce sont ces questions que nous vous proposons d'aborder dans ce 16e, déjà 16, épisode de Questions d'asso. Le podcast par et pour les asso, en partenariat avec la MAIF et la Métropole de Lyon. Pour aborder cette thématique, nous recevons aujourd'hui Maïtané, membre et confondatrice de L'Échappée Belle, une association créée par d'anciens freelances pour être salariés tout en gardant leur indépendance, qui est quand même un sacré projet. Bonjour Maïtane. Bonjour. Nous sommes également accompagnés par Matthieu, qui nous rejoindra en cours d'épisode de la coopérative d'expertise comptable et de conseil Finacoop, et qu'on a souvent eu à ce micro. Donc Finacoop, pour ceux et celles qui n'auraient pas forcément en tête, est dédiée à l'ESS et en particulier aux associations. où ce sera l'occasion de revenir sur le statut de la SIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Pour animer ce podcast, j'ai moi-même le plaisir d'être accompagné par Karl. Salut Yael. Salut Karl. Et cet épisode de Question d'asso est réalisé par Guillaume Desjardins de Synchrone TV sur une musique de Sound of Nowhere. Vous pouvez vous abonner à Question d'asso sur votre plateforme de podcast préférée sur Apple Music, Google Podcast, mais également Spotify, Deezer, Soundcloud. Vous pouvez également écouter ce podcast directement sur notre site web, questions-asso.com où vous retrouverez une version textuelle et maintenant on est à jour, à peu près, de ce podcast. Nous sommes très heureux d'être avec vous pour ce nouvel épisode de Questions d'Asso. Installez-vous confortablement et c'est parti! Et nous retrouvons Karl pour l'édito

Karl Merci beaucoup Yael Alors personnellement Je suis très content De recevoir Maïtané aujourd'hui Pour parler de l'Échappée belle Parce que parmi tous les épisodes que l'on produit pour questions d'asso. Vous aurez probablement noté qu'on a trois grands types d'épisodes. En premier lieu, on a des épisodes assez techniques, administratifs, même où on parle de financement, de comptabilité, de fiscalité. Bref, des trucs que pas tout le monde ne trouve très fun, et surtout pas d'ailleurs notre réalisateur Guillaume. Et donc voilà. Alors après, on a des épisodes sur le fait associatif, ce qui le compose, sur ses logiques sociales, sur ce qu'il produit sur la société. Et là, ce sont notamment dans ces épisodes qu'on invite des chercheurs, des membres de la société civile qui pensent et qui théorisent le fait associatif. Et puis, de temps en temps, on a des épisodes d'un autre genre, des épisodes que j'ai envie d'appeler des épisodes signaux faibles, même si parfois, ce n'est pas si faible que ça, où on reçoit des gens qui testent, qui tentent des trucs bizarres dans le monde associatif, qui sortent du cadre prévu initialement par la loi de 1901. Et clairement, avec Maïtané, on y est. Donc, Maïtané, tu es designer. Tu étais jusqu'à il y a peu freelance, comme beaucoup de designers. Un statut pas forcément, d'ailleurs, toujours évident parce que considérée par exemple par les banques ou autres comme précaires. Et donc après, avec trois autres freelances, vous avez décidé de vous associer, mais au lieu de monter une société privée comme tout le monde, d'une certaine manière, ou même une scope ou une SCIC, vous avez créé une association dans laquelle vous vous êtes salarié. Alors, peut-être vous qui nous écoutez, vous vous dites, ok, pourquoi pas, mais pourquoi en faire un épisode? Eh bien, parce que ces derniers mois, j'ai rencontré d'autres associations de ce type, c'est-à-dire des associations qui mènent partiellement ou totalement une activité professionnelle d'entreprise classique. Et ça, c'est intriguant. C'est intriguant parce que ces collectifs ont réfléchi aux alternatives classiques à la société privée capitalistique que sont justement les SCOP, les SCIC et autres. Et ils ont volontairement choisi de se tourner vers le statut associatif. Et donc la question qui m'intéresse, c'est pourquoi? Est-ce que c'est parce que ces collectifs croient aux valeurs associatives plus qu'à d'autres? Est-ce que c'est parce que le modèle associatif est hyper souple et que finalement, on peut faire ce qu'on veut avec? Qu'est-ce qu'ils reprochent aux autres modèles? Et puis aussi, on en revient un peu à nos épisodes classiques. Est-ce que c'est bien réglementaire tout ça? Et c'est pour ça qu'on a demandé à Matthieu, justement, de Finacoop, de venir nous accompagner pour discuter de comment est-ce qu'on peut être raccord avec la réglementation sur les associations tout en menant ce type d'expérimentation. Bref, autant de bonnes raisons de recevoir Maïtané, représentante de l'Échappée Belle. Salut Maïtané!

Yaël Salut! Merci d'être avec nous aujourd'hui pour nous partager le mode de fonctionnement de votre asso-entreprise. Tu vas nous éclairer un peu plus précisément. On te propose de commencer par un exercice qu'on fait à toutes les assos qui passent à notre micro, c'est-à-dire c'est la carte d'identité de l'Échappée belle pour que les auditeurs et les auditrices qui nous écoutent arrivent à mieux vous situer dans le grand paysage des associations. Donc on a trois questions. Est-ce que tu es prête? C'est parti! Allez, première question. Est-ce que tu peux nous décrire l'activité de l'Échappée belle? Qu'est-ce que vous faites?

Maïtané Eh bien, l'Échappée belle, ça nous sert principalement à facturer nos prestations. Alors du coup, dans les statuts, on a dû préciser qu'est-ce qu'on avait le droit de facturer comme prestation. Et donc, on a choisi de faire des choses, de lister des choses hyper larges. Donc, on est beaucoup issus de l'informatique. Donc, on parle de prestations informatiques. Mais on a aussi dit des choses en rapport avec la communication non violente, l'éducation animale. On aurait pu vendre du thé aussi. Donc voilà, on a choisi de faire une liste la plus large possible d'activités commerciales qu'on pouvait avoir. En plus de ça, moi par exemple, j'organisais une conférence grâce à l'Échappée belle. Dans un autre contexte, j'ai imprimé des flyers et organisé des événements vis-à-vis d'un plan écologique monté par ma communauté d'agglomération. Donc voilà, on fait surtout du commercial, mais pas que.

Yaël Alors, pardon, là j'ai quand même une question qui me vient. Du coup, c'est quoi votre objet social?

Maïtané Alors, l'objet social, je te remercie de me l'avoir demandé parce que je l'ai préparé. C'est soutenir et promouvoir des activités et des personnes qui travaillent autour de valeurs de consentement, de biens communs et de prendre soin des personnes et de l'environnement. Donc, en gros, on a choisi un truc hyper large pour ne pas être emmerdé, pour pouvoir faire ce qu'on veut.

Karl Ok. Donc, vous vendez vraiment du thé ou c'est une possibilité parmi d'autres?

Maïtané C'est une possibilité parmi d'autres parce qu'il y a quelqu'un qui voulait rejoindre l'ASSO à un moment, qui avait envie de faire cette activité-là, et la personne, finalement, a fait d'autres trucs. Et c'est la même chose pour l'éducation canine. À un moment, il y a une personne qui avait envie de faire de l'éducation canine, qui avait voulu nous rejoindre, et donc c'était juste avant qu'on dépose les statuts, donc on avait un peu anticipé en précisant des choses un peu hors du commun.

Yaël Et bien ça alors, du coup, je sens qu'on va avoir plein de questions pour voir comment c'est possible. Et surtout, moi je m'interroge comment ça tient. Mais du coup, deuxième question, n'anticipons pas. Comment est-ce que vous êtes financée? Et peut-être que tu ne nous as pas forcément dit quand est-ce que ça a été créé. Donc est-ce que tu peux nous dire un peu peut-être comment se structure votre budget ou comment il est en train de se structurer si c'est une nouvelle asso?

Maïtané Oui, alors on a déposé les statuts en juillet 2020 et on s'est salarié à partir de décembre 2020. Donc, voilà. Et la façon dont on se rémunère, en fait, c'est des prestations facturées, tout simplement. Donc, comme si on était des freelancers, on fait des prestations et on envoie des factures à la fin pour avoir de l'argent qui rentre dans l'asso.

Yaël OK. Donc, vous n'avez pas du tout essayé de regarder un peu du côté des subventions ou du mécénat ou même de dons? Ce n'est pas du tout des choses que vous explorez?

Maïtané Alors, pas du tout du côté des subventions et du mécénat, parce que je trouve que ça serait gonflé, parce qu'en fait, on est une entreprise, donc il n'y a pas de raison. Pour les dons, il y a des structures, amis ou des particuliers qui ont fait des dons pour les activités non commerciales. Donc, par exemple, la conférence que j'ai organisée, elle était gratuite. J'ai proposé aux gens de participer à Prix Libre et il y a des gens qui ont fait des dons à l'Échappée belle pour ça.

Yaël D'accord. Ok. Et du coup, peut-être dernière question, comment est-ce que vous êtes organisée? Du coup, qui compose le collectif? Donc là, si on comprend bien ce que tu nous as expliqué, vous n'êtes que des salariés. Est-ce que tu peux nous dire un peu combien vous êtes? Et oui, comment juste sa structure, comment vous prenez les décisions?

Maïtané Alors, on est actuellement trois salariés et six membres. Donc, je vais vous expliquer un peu la différence. En fait, pour avoir les pouvoirs au sein de l'association, il suffit d'être membre. Mais la seule différence entre les membres et les salariés, c'est que ce sont salariés ceux qui ont un salaire. Voilà. Et pourquoi tous les membres ne sont pas salariés? Parce que pour l'instant, la façon dont on fonctionne, c'est qu'on fait rentrer l'argent qui nous permet d'être salariés. Et donc moi, je facture assez pour pouvoir me payer mon salaire. Mais il y en a d'autres qui viennent juste de rentrer dans l'association et donc qui n'ont pas encore assez de prestations pour pouvoir se payer leur salaire.

Yaël Ok, et du coup, si je comprends bien, c'est-à-dire qu'est membre une personne qui souhaite à terme pouvoir être salariée ou qui prétend, on va dire, à devenir salariée, mais qui, en attendant d'avoir un chiffre d'affaires, d'être rapporteur d'un chiffre d'affaires qui est suffisant pour ce salarié, du coup, elle est membre et elle a un autre statut à côté et après, elle fait la bascule, c'est ça?

Maïtané C'est juste que tu es membre, mais que tu n'es pas salariée de l'association. Mais effectivement, c'est tout à fait ça. Pour nous, l'intérêt de l'Échappée belle, c'est de se salarier à la fin. Du coup, les personnes qui sont membres, mais pas salariées, c'est qu'elles sont en transition avant de pouvoir être salariées.

Yaël Ok. Et peut-être, du coup, question subsidiaire. Je ne sais pas si ça arrive trop tôt, mais vous avez regardé un peu les systèmes de CAE. Alors, CAE, je ne me souviens plus de l'acronyme.

Maïtané C'est une coopérative d'activité.

Yaël Parce que ça me semble assez similaire à ce que tu dis, mais peut-être pas du tout, en fait.

Maïtané Si, si, on a un fonctionnement très, très proche. Juste, on n'est pas... On est structuré. C'est plus facile pour nous d'être structuré en asso, parce qu'on fait rentrer juste les personnes qu'on connaît. Et on s'organise en interne comme une CE, effectivement. On a à peu près nos comptabilités séparées ou des choses comme ça. Juste, la structure est plus souple.

Yaël Ok. D'accord.

Karl Et du coup, comment est-ce que vous prenez les décisions en interne? C'est-à-dire que les six membres de l'association ont les mêmes droits au sein de l'association? Ou vous êtes organisée de manière classique, de manière associative, avec un bureau ou pas du tout? Comment est-ce que ça fonctionne de ce point de vue-là?

Maïtané Alors, on est en gouvernance collégiale, puisqu'il n'y a pas obligation d'avoir un bureau dans les associations, ce qui nous est d'ailleurs souvent opposé. Mais en tout cas, c'est sûr, nous, on est en gouvernance collégiale. Par qui, tu veux dire? Déjà, quand on en parle autour de nous, les gens qu'on dit, tout le monde a les mêmes pouvoirs, tout le monde est en horizontalité, on nous dit, non, il y a forcément un président, ce n'est pas la même chose. Donc, on dit, si, si, on est en gouvernance collégiale. Et ensuite, souvent, les structures, la banque notamment, elle nous a demandé au début un nom. Ou la mutuelle, par exemple, pour le formulaire d'inscription, il faut un nom. Et donc, on met aléatoirement le nom de l'un d'entre nous. Et donc, par exemple, c'est moi qui suis responsable de la mutuelle. Oui, exactement, c'est ça. c'est ça et donc la façon dont on s'organise on règle tout à la discussion il faut que je vous dise aussi qu'à l'Échappée belle on fait rentrer les gens par cooptation donc en fait c'est pas n'importe qui qui lève la main et qui dit qu'on veut rentrer c'est des personnes avec qui on est suffisamment en confiance pour se dire que ça va bien se passer et donc on discute pour toutes les décisions et tout le monde a tous les droits c'est à dire que moi demain si je veux je peux vider le compte en banque de l'Échappée belle j'ai le droit que j'ai tous les droits sur le compte en banque, comme les cinq autres membres de l'asso.

Karl Donc, il y a vraiment une notion de confiance qui est extrêmement importante au sein de l'association.

Maïtané Oui, tout à fait. Et on a documenté les risques qu'on prenait, qu'on fait lire aux personnes qui nous rejoignent, en disant, si vous nous rejoignez, sachez que vous pouvez facturer, j'en sais rien, 40 000 euros, et que demain, il y a quelqu'un qui peut partir avec la caisse, c'est techniquement possible.

Yaël Comment est-ce que vous définissez les salaires et même les types de décisions, en gros, sur quoi vous discutez? Parce que si, de ce que j'ai compris, chaque personne peut amener ses affaires et qu'elle est rémunérée en fonction de son apport d'affaires, sur quoi portent les décisions? C'est quoi les enjeux collectifs que vous avez? Du coup, je pose ma question maintenant.

Maïtané Par rapport au niveau de salaire, par exemple, chacun choisit. La règle étant, si jamais tu ramènes assez d'argent pour te payer ton salaire, il n'y a pas de discussion. Et si ce n'est pas le cas, on discute. Donc si tu n'es pas tout à fait à l'équilibre, peut-être que les autres sont OK de gérer les choses. Par contre, si tu choisis un salaire à 3 000 euros et que tu fais rentrer que de quoi se payer un tiers du salaire, on va discuter de ce que ça provoque et comment est-ce qu'on gère la situation. Pour préciser, j'ai les chiffres de 2021, on était trois salariés, on était deux à 1 500 euros net et une personne à 2 600 euros net, net après impôt. Donc on a des niveaux de salaire qui sont assez différents. Et ensuite, c'est quoi les sujets? On a quand même ce qu'on appelle un pot commun pour gérer les dépenses courantes, tout ce qui est comptabilité, assurance, outils en commun. Comment est-ce qu'on s'assure que ce pot-là, il est toujours suffisamment plein pour ne pas mettre en danger la structure? On a eu des problèmes au début avec la banque, les comptables. La banque qui nous a créé une ligne qui n'existait pas, comme si le comptable nous avait versé de l'argent, alors que c'est nous qui avions versé de l'argent au comptable. Sans être comptable. Changer de banque, régler le sujet. Quand moi, je dis que j'organiserais bien une conférence, mais j'ai envie que ce soit gratuit. Et donc, peut-être que les gens ne vont rien donner et que ça va coûter 500 ou 1000 euros à l'association. Est-ce que c'est OK? Les copains disent que c'est OK ou ce n'est pas OK. C'est ce genre de discussion qu'on peut avoir.

Karl Peut-être pour reprendre les choses un peu dans l'ordre, la question finalement avec laquelle on voulait commencer. Au-delà de savoir techniquement comment vous fonctionnez, c'est quoi le projet derrière l'Échappée belle ? Qu'est-ce qui vous a poussé à créer cette structure? Pourquoi est-ce que vous n'êtes pas allé vers une forme d'entreprise classique, telle qu'on le disait en introduction, puisque finalement, de tout ce qu'on discute depuis cinq minutes, en réalité, ce que vous avez comme type d'activité, c'est un type d'activité d'agence, somme toute, assez classique?

Maïtané Oui, tout à fait. On est une association à activités commerciales. Et à but non lucratif. C'est-à-dire qu'effectivement, on fait rentrer de l'argent dans l'association, mais par contre, on ne peut pas se verser des dividendes, comme dans une entreprise qui serait classique. Et l'enjeu, il est notamment là, en tout cas là, pour la raison pour laquelle on a choisi le modèle associatif. Sinon, le but de l'Échappée belle, il y en a un qui était annoncé, qui est vérifié que le droit du travail et le salariat notamment étaient compatibles avec le consentement. c'est-à-dire que dans le salariat, il y a une obligation de subordination. Et donc nous, on voulait savoir ce qu'on ne trouve pas hyper compatible avec le consentement, la subordination. Et donc on voulait voir s'il y avait moyen d'être salarié, donc de contribuer au modèle social qu'on trouve vraiment chouette, et donc de cotiser et tout, tout en étant consentant. Donc on voulait tirer cette question jusqu'au bout, enfin jusqu'au plus loin où on pouvait aller. et il y en a une autre qu'on n'a jamais dit comme ça mais que je pense finalement qui est assez claire c'est qu'on voulait se faire chier le moins possible et donc ça va répondre à pas mal de vos questions que vous aurez sans doute après sur pourquoi ce modèle là, pourquoi pas un autre, parce qu'en fait monter une asso c'est vraiment très facile et donc monter l'asso on a écrit les statuts les plus petits possibles on a fait vraiment un ensemble de choix pour que ça nous coûte pas beaucoup en termes d'énergie de justement tenter cette on pourrait dire cette aventure cas pour tester des choses.

Karl Mais donc, ça veut dire que vous assumez aussi, assez directement, et tu le disais d'ailleurs, une forme de risque, celui à la fois que quelqu'un parte avec la caisse d'une certaine manière, mais aussi celui que un jour, une entité gouvernementale, réglementaire vienne vous dire, ah oui, non, mais votre statut, il n'est pas du tout raccord avec telle ou telle norme réglementaire, et en fait, ça ne va pas du tout, il faudrait que vous soyez une entreprise classique. Donc, d'une certaine manière, l'économie de temps que vous avez mise dans la création de la structure, est-ce que tu ne penses pas que vous allez le payer à un autre moment de la vie de l'échappement?

Maïtané A priori, légalement, on est raccord. C'est-à-dire qu'une association a le droit d'avoir des salariés, d'avoir des activités commerciales. Ce n'est pas problématique. Tant qu'elle respecte son objet et nous, les activités qu'on a, elle respecte notre objet qui a été choisi en fonction, c'est-à-dire pour être le plus large possible. Et l'autre partie de ta question qui était...

Karl Est-ce que vous n'avez pas peur que quelqu'un, effectivement... En fait, vous assumez une certaine forme de prise de risque dans la logique de la structure.

Maïtané Oui, tout à fait. Mais en fait, moi, la façon dont je le verrais plutôt, c'est qu'on clarifie la prise de risque, C'est-à-dire qu'il y a d'autres personnes dans l'Échappée belle, pas moi mais d'autres avant, qui ont eu des très grosses déconvenues avec les modèles d'entreprise habituels, où ils étaient censés être protégés et où le patron a pu se barrer avec la caisse, alors qu'ils avaient une vue sur l'argent mais ils n'ont pas été payés, où il y a eu des malversations. Et donc finalement, l'impression que plusieurs personnes ont, c'est que ce n'est pas parce que les lois et les règles disent qu'elles vont empêcher que ça l'empêche vraiment. Et donc, nous, on est assez apaisés avec le fait que c'est une possibilité et on se protège d'une autre façon. En fait, on se protège par la discussion et la confiance qu'on a les uns vers les autres. Et puis, si jamais quelqu'un un jour part avec la caisse, ça serait vraiment très étonnant, mais on préfère vivre avec le risque que de mettre des alarmes partout dans la maison.

Yaël Et peut-être, c'est le seul risque que vous identifiez ou il y en a d'autres?

Maïtané Alors, on en a listé plusieurs de tête. Ce qu'il y avait aussi, c'était si quelqu'un dans l'Échappée belle avait une activité illégale, par exemple. Ce qui est pas mal, vous pourrez, si ça vous dit, aller sur le site de l'Échappée belle. On a mis en lien justement cette documentation et on a listé les façons de réparer, les façons d'anticiper pour éviter le problème. Par exemple, si j'ai une nouvelle activité, je peux en parler aux autres pour vérifier que c'est OK avec tout le monde ou pas. et des possibilités de réparer, c'est-à-dire la chose illégale a eu lieu, comment on fait? La personne peut partir de la structure, la structure peut se retourner contre la personne en l'attaquant au tribunal. On a listé des possibilités si vraiment il y a quelque chose qui se passait.

Karl Peut-être là encore pour revenir aux origines de l'Échappée belle, qu'est-ce qui vous a poussé à créer cette structure finalement? Pourquoi est-ce que ce n'était pas plus simple pour toi de rester indépendante, designer indépendante? Est-ce que les autres, d'ailleurs, étaient aussi indépendants? Pourquoi avoir créé cette structure et pas avoir gardé vos statuts précédents?

Maïtané Pour mon cas, j'étais auto-entrepreneuse avant et j'étais de plus en plus enthousiaste à l'idée de ne pas continuer dans un statut que j'appellerais précaire. Pas spécialement moi dans mon cas, mais parce que le fait de ne pas cotiser, je trouve que c'est, outre mon cas individuel, que c'est problématique de ne pas contribuer au modèle social. J'en profite pour poser le fait que ça arrange le gouvernement, qu'on soit de plus en plus d'auto-entrepreneurs parce qu'on cotise de moins en moins. Par exemple, il y a des problèmes par rapport à la caisse de retraite, parce qu'il n'y a pas assez de cotisation, c'est vraiment très étonnant. Donc voilà, des enjeux comme ça où je me dis que ce n'est pas cool de jouer individuel alors qu'on peut participer à un grand collectif.

Yaël Et peut-être, je profite d'une incise là-dessus parce que moi aussi, du coup, j'ai été auto-entrepreneuse jusqu'au 1er janvier de cette année. Et effectivement, j'avais regardé pour les retraites en trois ans, j'ai cotisé un centime par an. Donc ça dit quand même quelque chose de ce que ça apporte à la collectivité et à soi-même.

Maïtané C'est exactement ça, c'est une honte, donc ça c'est collectivement. Ensuite individuellement il y a le fait qu'à l'époque on n'avait pas de droit à la sécu, pas d'arrêt maladie, et donc du coup il y a une période où j'ai été très fatiguée, je suis tombée malade en semi-incapacité, et bien ça faisait quand même flipper, pas de droit au chômage, c'est quand même un peu problématique. Donc tout ça d'un autre côté, c'était assez enthousiasmant de se dire qu'on pouvait faire des choses avec des copains, Et il y a un aspect de mutualisation, par exemple, d'organiser cette conférence ou de faire des activités à côté. C'est plus facile si on est plusieurs à abonder au pot commun que si jamais je suis moi toute seule dans mon coin. Et donc, il y a cet aspect-là qui est aussi assez enthousiasmant.

Karl Et justement, est-ce que les valeurs associatives, le cadre associatif, tu disais tout à l'heure que vous êtes à but non lucratif. Ça aussi, dans quelle manière ça a joué? Est-ce que le fait de dire que vous ne vous redistribueriez pas de dividendes, ça a été un élément de discussion? Comment est-ce que vous en êtes arrivé à décider ça? C'est-à-dire finalement, si vous êtes dans une forme qui... Alors, je connaissais assez peu les CEA que tu décrivais tout à l'heure. Mais en tout cas, les SCOP sont des entreprises classiques qui vont se redistribuer les dividendes. Mais tout le monde a une part égale dans la structure. Pourquoi avoir fait ce choix de non redistribution, de non lucrativité, par rapport à un système, justement, par exemple, de scope classique?

Maïtané Alors, pour moi, ta question, elle mélange deux points. C'est-à-dire que nous, une des choses qu'on voulait, ce n'était pas être une entreprise à but capitaliste. Et ensuite, effectivement, on avait le choix entre faire une asso, ou faire une scope, ou monter une SCIC, comme on en parlera tout à l'heure, peut-être. Je ne connais pas bien cet enjeu-là, mais une scope ou même une CAE. Et en fait, là, on passe sur le deuxième volet qui est ne pas se faire chier. Et donc, très clairement, on a monté une asso en se disant, peut-être ça ne passera pas au niveau de la préfecture ou peut-être ça ne passera pas au niveau des administrations. Et si ça ne passe pas parce que nos statuts sont considérés comme étant trop flous ou ne montrant pas la subordination qui nous permettait d'être salariés, on serait passé en scope. Mais la scope, ça a vraiment plus relou à monter. Et donc, du coup, tandis que vraiment, l'asso, c'est un dépôt en préfecture et c'est réglé. Et donc, on voulait vraiment économiser de l'énergie parce qu'on ne voyait aucune plus-value à être en scope. Parce que nous, avoir nos salaires, ça nous suffit largement. Et puis, on n'a pas besoin de se reverser des dividendes ou des bénéfices. Cela dit, en vrai, en ce moment, souvent, il y a des primes Macron qui sont possibles de verser en décembre. Et donc, on peut se verser déjà des grosses sommes d'argent en plus d'avoir un gros salaire. Enfin, on n'avait pas besoin de magouiller spécialement pour faire un autre montage. Ça ne nous intéressait pas.

Yaël Peut-être, dans ce que tu dis, j'aurais peut-être besoin d'une petite précision. Vous êtes salariée-salariée ou vous êtes salariée-dirigeante?

Maïtané On est salariée-salariée. En fait, on est salariée. En faisant partie de la gouvernance. Oui, on est membre de l'association. Parce que ça existe dans les SCOP, pour moi, salariée-dirigeante. Et dans les CAE, c'est entrepreneur-salariée. Mais en association, on est juste salariée. Et c'est le fait d'être membre qui nous donne les droits de gouvernance sur la structure.

Karl C'est vrai que c'est un sujet qu'on aborde souvent dans l'épisode où on entend des sons de cloche qui sont parfois un peu différents. Et on a l'impression que ça dépend aussi beaucoup de l'interprétation que nous-mêmes membres d'associations pouvons en avoir ou que le membre, le fisc sur lequel on tombe peut en avoir. Mais effectivement, c'est un sujet qui est pas mal discuté, cette question.

Yaël Et peut-être du coup, on demandera, ce sera la première question qu'on pose à Matthieu quand il arrivera. Ok, non, parce que du coup, moi, dans ce que j'avais compris, c'est que c'était effectivement pas possible d'être salarié classique et membre de la gouvernance. Mais bon, du coup, à vérifier parce qu'il me semble qu'il y a du coup des contraintes de salaire qui sont liées. Par exemple, tu ne peux pas avoir plus de trois quarts du SMIC ou des choses comme ça. Enfin bon, bref, du coup,

Karl Qu'est-ce que tu veux être d'intérêt général?

Yaël Ah oui, si tu veux être d'intérêt général. Oui, c'est ça, en fait, il y a plein de couches en plus. Oui, de strates. Attendons, Matthieu, pour préciser. Mais du coup, vous avez juste un statut de salarié. Et du coup, la question qui me venait derrière, surtout qu'en plus, là, tu venais de parler peut-être d'une situation, notamment de gestion de charges de travail, qui a été un peu compliquée pour toi quand tu étais indé. Est-ce que vous avez essayé de mettre en place des formes de comité RH ou en tout cas de discussion sur les questions de charge de travail? Ou pas du tout?

Maïtané Alors non, parce qu'on n'est pas aussi procédurier, je pense, pour formaliser les choses. Le fait étant qu'on essaye de se voir toutes les semaines et qu'on passe beaucoup de temps à se demander comment ça va. Et on est très attentif à comment vont les uns et les autres. Et donc, je pense qu'on a une forme de régulation de cette façon-là qui n'est pas du tout acté, mais qui est souvent moi, quand je suis sous l'eau, je le dis, et souvent, même quand ça va, il y a des copains qui me disent « Mais est-ce que ça va, Maïtané ? » Parce que tu as l'air vraiment très occupée ou très soucieuse, et puis des fois je raconte, et puis des fois ça va, ils se sont inquiétés pour rien, et c'est OK. J'en profite pour préciser quelque chose sur la gouvernance de tout à l'heure, c'est que la façon dont c'est... écrit administrativement, c'est que chaque salarié est soumis au collectif des membres de l'association, sauf lui. C'est-à-dire que moi, par exemple, je suis subordonnée au collectif de l'association, composé de tous les membres, sauf moi. Voilà. Dans les faits, ça se passe très bien parce qu'on discute tous ensemble et il n'y a pas besoin de mettre quelqu'un de côté. Le fait étant que s'il y avait un souci à un moment, administrativement, les autres membres sont autorisés à prendre une décision, par exemple de virer une personne sans son consentement. D'accord.

Yaël Eh bien, on vient de récupérer Matthieu, donc Matthieu de Finacoop, qui nous a rejoints en cours d'émission. Matthieu, peut-être pour te remettre juste dans la boucle, on reçoit aujourd'hui Maïtane, qui est dans une structure un peu particulière, l'Échappée belle, qui est associative, qui est une asso, mais qui a été vraiment créée, alors j'allais dire à but lucratif, Mais non, Maïtane, tu nous as bien dit non, mais pour en vue d'avoir des activités commerciales, mais de rester à but non lucratif. Et voilà, donc du coup, elle était en train de nous expliquer un peu comment ça fonctionnait. Et on avait quand même une question. Donc, je saute sur l'occasion que tu sois tout de suite là avant de passer à la question d'expert et avant de continuer la discussion avec Maïtane. Parce que donc, Maïtane, et tu dis si je me suis trompée ou si je retraduis mal ce que tu nous as dit, mais donc que vous étiez trois membres salariés, six membres de l'asso, que du coup ces neuf personnes constituent la gouvernance de l'asso et prennent des décisions de manière collégiale, mais que du coup les trois salariés ne sont pas des salariés dirigeants, mais sont des salariés tout court. Et donc on se demandait, premièrement, est-ce que c'était possible d'avoir un statut de dirigeant en étant salarié, mais pas en étant salarié dirigeant?

Matthieu Alors dans les associations, il y a un principe qui est la gestion des intéressés. Donc on est censé en tant que dirigeant, donc dirigeant ça veut dire mandataire social, donc mandaté par l'ensemble général pour représenter l'association, ne pas être rémunéré. À cela il y a deux exceptions, il y a la tolérance fiscale des trois quarts du SMIC maximum par dirigeant, et il y a une autre tolérance quand on a plus de 200 000 euros de recettes issues de l'intérêt général, ressources privées. On pourrait rémunérer un dirigeant entre 200 000 et 500 000, deux dirigeants, etc. Hors de ces exceptions, le dirigeant, l'entrepreneur, entre guillemets aussi, le fondateur parfois et souvent, ne peut pas être rémunéré. Ça, c'est la grosse, la valeur essentielle et en même temps la limite du modèle associatif qui parfois ne rémunère pas toujours le côté entrepreneurial. Donc à cela, il y a aussi, il faut savoir, des possibilités. Donc on peut être salarié. Alors pour éviter la confusion, on parle souvent d'être délégué général plutôt que directeur général, parce que quand on dit directeur général d'une association, on a l'impression que c'est dirigeant. En fait, non. Dirigeant, c'est celui qui est souvent au CA ou dans un bureau. Donc pour éviter cette confusion et d'être accusé de direction, de dirigeance, de fait, on emploie plutôt le terme délégué. Il y a aussi des possibilités méconnues pour les salariés d'être associés. Alors déjà, un salarié peut être membre d'une association. Ça, c'est le premier niveau. Légalement, on ne peut pas avoir plus de la moitié des membres d'une asso qui soient salariés. C'est la règle 50. Après, il y a la règle 25. Donc, on ne peut pas avoir plus d'un quart des membres de conseil d'administration qui soient salariés. Mais on peut avoir sur quatre membres une personne. Ça, c'est très méconnu dans les associations. Si on est huit, on peut avoir deux salariés, par exemple, maximum. Et il y a la règle zéro, donc 50-25-0. On ne peut pas avoir de membre du bureau qui soit salarié, au risque de remettre en cause la non lucrativité de l'association.

Karl Mais alors, justement, c'est la non lucrativité ou c'est l'intérêt général?

Matthieu Alors, les deux se recoupent, se rejoignent, parce que l'intérêt général reprend les mêmes critères que la non lucrativité. Et en plus, on ajoute un, c'est qu'il faut avoir une activité qui est éligible dans une liste d'activités. Donc, en général, 9 fois sur 10, une structure qui est non lucrative et d'intérêt général. Celles qui sont exclues, on en a parlé dans des podcasts précédents, c'est notamment quand on a du plaidoyer. On peut avoir du plaidoyer à titre accessoire, mais il ne faut pas que ce soit majoritaire, non accessoire en tout cas. ou des activités autour de l'aide aux entreprises, par exemple. Donc, on évite les mots entreprise, économie. On va plus chercher les mots comme l'aide à leur emploi. On va plutôt aider des particuliers avec des entreprises.

Karl Et justement, dans des précédents épisodes, tu nous avais dit qu'il y avait une lucrativité au sens fiscal et une lucrativité, alors je ne sais plus qui était le lot. Au sens juridique. Au sens juridique. Et est-ce que justement, là, dans la discussion qu'on a, on n'a pas un peu une confusion entre les deux? C'est-à-dire que quand Maïtané dit qu'ils sont non lucratifs, ils ne reversent pas les dividendes, ils ne versent pas de dividendes, et pas tellement le fait qu'ils ne soient pas fiscalisés comme une entreprise.

Yaël Parce qu'ils ont une fiscalité, enfin c'est ça, Maïtané, vous avez une fiscalité d'entreprise classique.

Maïtané Oui, c'est exactement ça, oui, tout à fait. Donc on n'est pas d'intérêt général, et on est déclaré, enfin on fonctionne tout à fait comme une entreprise en fait.

Matthieu Ok. Alors oui, pour revenir sur la distinction entre... dans lucrativité au sens juridique, dans lucrativité au sens fiscal. Simplement qu'une toute association, qu'elle soit fiscalisée ou non, ne peut pas avoir comme objectif de distribuer des bénéfices à ses membres. Donc ça, c'est distribution du résultat, de l'actif. En cas de dissolution, on ne peut pas donner à un des membres de l'association, même s'il est lui-même d'intérêt général. Donc, on n'a pas de réserve possible distribuable. Pour autant, après, on peut avoir des activités lucratives. Donc, c'est là où on tombe dans le côté fiscal. qui peuvent être soit accessoires, soit même non accessoires, et auquel cas on paye des impôts commerciaux. Des fois, ça choque un peu les impôts, mais on peut tout à fait fonctionner de la sorte et s'acquitter des impôts commerciaux comme toute entreprise.

Maïtané Ce qui est notre cas.

Yaël C'est ça. Et tu disais aussi, Maïtane, que vous, justement, cette question-là de salarié, donc vous n'êtes pas salarié dirigeant, mais vous êtes bien salarié classique. Et c'est ce qui vous permet d'ailleurs de donner des salaires qui sont largement supérieurs aux trois quarts du SMIC, vu les montants que tu nous as donnés tout à l'heure. Et que ça, vous aviez vérifié auprès de Pôle emploi, c'est ça?

Maïtané Oui, alors ma supposition, mais effectivement, je n'ai pas tous les termes juridiques, c'est qu'on est rémunéré pour les tâches qu'on réalise et pas pour le fait d'être dirigeant. Et c'est ça peut-être qui pose une grosse différence, c'est qu'on n'a aucune rémunération par le fait d'avoir des pouvoirs de décision dans l'association, mais par les tâches techniques qu'on réalise. Et donc moi, je suis designer, et c'est parce que je suis designer que j'ai une rémunération. Oui, parce que justement, on sentait qu'on tirait l'élastique pour voir jusqu'où on pouvait aller. On avait quand même un risque, c'est-à-dire qu'on s'est dit que les impôts et l'URSSAF, a priori, tant qu'on payait les cotisations et on payait nos impôts, ils n'allaient pas forcément regarder de très près, mais qu'un organisme comme Pôle emploi, le jour où on demandait du chômage, pouvait être plus tâtillon parce que là, ils nous versaient de l'argent. Et donc, on a fait ce qu'on appelle un rescrit, C'est-à-dire qu'on a écrit à Pôle emploi un dossier où il demande plein de pièces justificatives disant c'est quoi votre organigramme, comment vous vous organisez, remplissez-moi ce formulaire pour me dire qu'est-ce que vous avez comme droit, comme devoir, est-ce que vous avez accès au compte en banque, etc. Et en réponse, Pôle emploi nous dit oui, on estime que vous êtes bien salarié subordonné ou non, vous vous moquez un peu de nous, vous n'êtes pas du tout subordonné, donc vous n'aurez pas le droit au chômage. Et en fait, ça n'a pas posé de problème à Pôle emploi. ils nous ont dit, oui, oui, vous êtes bien salarié subordonné, c'est OK pour nous.

Matthieu Du coup, ce que j'ai présenté avant n'était pas forcément applicable à l'asso, parce que là, on est dans une asso fiscalisée. Mais c'est important de préciser que ce qui vaut pour le côté gestion des intéressés, ça vaut aussi sur l'aspect statut social des salariés. Notamment, c'est le lien de subordination qu'il va falloir justifier et défendre. Donc, si on veut bénéficier de Pôle emploi, demain, en tant que salarié, parce que je ne vous souhaite pas, j'espère que ça durera le plus longtemps possible, mais il vaut mieux se prémunir. On peut en amont demander en effet un rescrit, alors non pas fiscal, mais social, à Pôle emploi, et s'assurer qu'on a bien la subordination par le fait d'être souvent, on appelle délégué, général, d'avoir une fiche de poste bien précise, un contrat de travail bien précis, des mandats, le cas échéant, si on a des délégations qui soient limitées le temps. Et voilà, on s'assure d'une chaîne de formalisme juridique Et pareil, de reporting des salariés auprès des instances de dirigeants pour s'assurer qu'il y ait un lien de subordination qui soit effectif. Parce qu'après, il va falloir le prouver. Si Pôle emploi, si jamais ils disent « Ah non, en fait, je ne suis pas d'accord, envoyez-moi des éléments de preuve », là, il faudra sortir les rapports qu'on envoie au CA. Quand est-ce qu'on a posé des congés payés? On a demandé à poser des congés payés, des choses comme ça.

Maïtané Alors moi, je peux juste dire que dans le rescrit, on a envoyé les statuts actuels de l'Échappée belle et les quelques précisions qu'on a données. C'est par exemple, on a dit qu'on avait une réunion hebdomadaire où le salarié informait le reste du collectif de ce qu'il faisait. Et donc, tu as raté le début Matthieu, où je disais qu'on essayait de se faire chier le moins possible. Mais j'avoue que dans notre dossier du rescrit Pôle emploi, on a commencé avec une version très light en se disant, si jamais ce n'est pas suffisant, on changera les statuts de l'association pour resserrer la vis. Mais du premier coup, Pôle emploi a été tolérant. Cela dit, le rescrit dit bien que ce n'est pas parce qu'ils nous disent, ok, c'est bon ce fois-ci, que si jamais un jour on se présente à Pôle emploi, ils se réservent le droit de changer d'avis. Donc du coup, on n'est pas complètement protégés.

Matthieu Oui, il faut le prendre comme un avis parce que la valeur juridique des rescrits est très très faible. Donc quand vous demanderez le jour à bénéficier du chômage, là ce sera un autre topo.

Maïtané Alors c'est vrai, mais pour le coup, ça a été le cas, il y a l'un de nous qui a pointé au chômage. Et en fait, Pôle emploi demande si on avait un contrat en CDI. Et si oui, en fait, comme on ne rentre pas dans leur case, la case dans laquelle on rentre le mieux, c'est qu'on était salarié en CDI vu qu'on n'était pas salarié dirigeant. Et donc, il y a peu de questions de leur côté pour l'instant.

Yaël Pour venir un peu à ce qu'on disait avant que Matthieu t'arrive, ce qui est aussi intéressant, je trouve, dans le modèle que tu présentes, Maïtane, tu disais que pour le moment, dans la manière dont vous êtes rémunéré et dont vous pensez l'activité de chaque salarié, en gros, c'était un peu chaque salarié qui était son propre porteur d'affaires. En fait, ça marche un peu comme une CAE, c'est ce qu'on disait, je le redis aussi pour Matthieu, et te remettre un peu dans la boucle sur le fonctionnement général de l'ASSO. Et que du coup, pour le moment, sur la question de la régulation de la charge de travail ou des comités RH, ce n'est pas quelque chose que vous mettez en place, même s'il y a, comme tu dis, quand même des espèces de points plus ou moins formels une fois par semaine qui permettent quand même de veiller, de prendre soin aux différents membres du collectif et de l'ASSO. Mais j'ai aussi l'impression, du coup, je ne sais pas si c'est quelque chose que vous avez envisagé ou pas, mais que ce modèle-là, finalement, que vous soyez quand même salarié d'une asso, permet dans l'absolu, si quelqu'un demain ramène, je ne sais pas, une énorme mission ou plein de missions en même temps et qu'il ne peut pas assumer la charge de travail, en fait un glissement de charge et que d'autres personnes de l'association puissent tout simplement faire cette charge de travail, puisque du coup, tu as bien cette mission-là au nom de l'association et pas en ton nom propre, même si dans la manière dont vous vous organisez, aujourd'hui, c'est un peu siloté par personne. Donc, je veux savoir, c'était déjà quelque chose auquel vous avez pensé. Et sinon, l'autre possibilité que j'entrevois, c'était aussi que tout simplement, vous pouvez vous mutualiser ensemble pour répondre à un appel à projet plus gros. Du coup, c'est juste pour ça, c'est des choses que vous avez discutées entre vous et que vous ouvrez ou pas encore?

Maïtané Alors nous, on adorerait pouvoir travailler ensemble et on le fait sur quelques bouts de projet, mais ce n'est pas encore le cas vraiment. Et c'est quelque chose qu'on a plus de mal à faire que de se dire, j'ai telle grosse charge, est-ce que tu veux bien en récupérer une partie? Et j'imagine que c'est lié à notre fonctionnement précédent, c'est-à-dire qu'avant on était freelance. Et donc du coup, moi j'avoue que quand j'arrive sur un projet en étant freelance, c'est moi, Maïtané, qui arrive, c'est pas mon agence, l'Échappée belle. Et donc j'imagine que ça biaise le fait que je me dis pas spontanément « je pourrais refiler la charge de travail à quelqu'un d'autre ». Cela dit, effectivement, c'est quelque chose qui arrive super souvent dans le monde des indépendances. C'est-à-dire que tu commences à galérer avec ton projet, tu dis « je peux me faire aider par telle autre personne que je connais, est-ce que vous voulez bien? » Et du coup, ça glisse. mais pour le moment, ce n'est pas assez arrivé. En tout cas, moi, j'aimerais bien que ça arrive beaucoup plus souvent.

Yaël Super. Et peut-être autre question qu'on avait et qui nous a notamment été soufflée par Guillaume, qui est bien présent, même s'il est de l'autre côté des micros. Pour savoir quelle souplesse vous avez sur vos salaires, une fois que vous les avez décidés. Est-ce que c'est facile pour vous de les réduire en temps peut-être de crise, si un moment il y a moins d'argent ou moins d'affaires qui rentrent? Peut-être comment vous anticipez les hauts et les bas des rentrées, qu'on sait quand même quand on est indépendant, ce n'est pas toujours simple à anticiper?

Maïtané Oui, alors c'est un enjeu hyper intéressant parce que la loi ne prévoit pas que les salariés et que les personnes qui décident des salaires soient dans le même camp. Et donc, elle met en place tout un tas de mécanismes pour qu'il y ait un rapport de force qui se mette en place. Mais si jamais les deux sont du même côté, tout de suite, il y a plein de choses qui sont beaucoup plus faciles. Donc, il est très facile d'augmenter les salaires. Évidemment, ça ne pose pas de problème. Il est beaucoup plus facile de les descendre, bien sûr, parce que dans une entreprise, on n'a pas d'intérêt à ce que le patron puisse claquer des doigts et faire descendre le salaire.

Yaël C'est plus difficile, tu veux dire?

Maïtané Oui, c'est ça. Oui, pardon, c'est beaucoup plus difficile. Nous, la façon dont on s'est dit qu'on procéderait ponctuellement, c'est de poser des jours de congé sans solde. Ça permet, si on a un mois difficile, de dire, Ce mois-ci, on n'a pas beaucoup travaillé et donc du coup, avoir le salaire qui est ponctionné d'autant. Sinon, si jamais la structure est en difficulté et facture moins, voire beaucoup moins, on peut demander à l'État de l'aide avec du chômage partiel, par exemple, parce qu'on a une baisse d'activité économique et donc tous les mécanismes qui sont mis en place pour aider les entreprises, nous, on peut lever la main en disant à l'État, bonjour, là, on est en galère, donc est-ce qu'on peut avoir un coup de main? Et une dernière chose qu'on a déjà fait, du coup, comme je vous l'ai dit, c'est qu'il y a l'un de nous qui avait moins de projets et qui était OK avec le fait de ne plus être salarié de l'association. Et donc, on l'a licencié économiquement parce qu'on avait une baisse de l'activité économique. Et donc, il avait le droit au chômage. Et donc, pour l'instant, il est au chômage, mais il est toujours membre de l'association, mais pas salarié. Et le jour où il va faire rentrer assez d'argent, il peut juste se resalarié. Et donc, voilà, on a une grande souplesse. Après, tout est en fonction de l'aisance que les personnes ont avec l'argent, le fait de manquer d'argent, le fait d'être au chômage. Il y en a qui peuvent être à l'aise avec ça, d'autres qui peuvent être vraiment très mal à l'aise. Le fait de ne pas se payer, par exemple. Moi, j'ai choisi le salaire le plus petit possible en me disant comme ça, j'ai un salaire plus longtemps. Il y en a d'autres qui auraient une stratégie d'avoir un gros salaire. et puis le jour où ils peuvent plus payer le salaire, de partir au chômage. Et du coup, le calcul du chômage n'est pas le même que moi avec mon tout petit salaire. Ça serait moins rigolo si j'étais au chômage.

Yaël Et peut-être, du coup, question qui était un peu liée, c'est du coup, comment vous gérez la compta en interne? Vous avez une compta générale où, du coup, vous partagez aussi, vous êtes assez transparent entre vous sur tous vos frais, les coûts, les entrées. Ou est-ce que vous avez une compta par membre? Comment vous gérez cet aspect-là?

Maïtané Très concrètement, on a un seul compte en banque. Régulièrement, on fait un export tableur du compte en banque. On le met sur un tableur et on se divise les lignes en disant que c'est une facture de Maïtané, que c'est une facture de Fanny. Parfois, on sous-divise les lignes. Par exemple, quand on a une seule ligne liée aux cotisations URSSAF, on sous-divise selon ce que chacun a versé comme cotisation. Il y a des lignes qu'on ne divise pas. Le comptable, ça va dans le pot commun, par exemple.

Yaël Et tu nous disais que vous aviez sous le coude un projet de logiciel comptable pour être totalement autonome sur cette question.

Maïtané Exactement, vu qu'on essaye d'avoir un maximum d'autonomie et que très concrètement, je pense qu'on rend un peu chèvre les comptables avec notre système complètement particulier. Et aussi parce qu'on a une personne dans la structure qui s'est découverte une passion pour la comptabilité, on va essayer de réaliser un logiciel libre qui va réaliser les bilans comptables. Donc on va voir si on va y arriver, mais on est complètement lancé dedans. Ça s'appellera Comptanar, avec un R à la fin.

Matthieu Ça c'est rire, mais tu lui donnes mon contact, Maïtané.

Yaël Génial. Et j'allais dire, tu nous diras, tu nous feras signe quand ça sortira. Nous aussi, on veut l'essayer.

Maïtané oui c'est un sujet super précis alors oui pour être tout à l'heure je t'ai pas reprise dans la foulée mais on est 6 membres en tout dont 3 salariés donc on est pas 9 pour l'instant on est que 6 et on a tous un peu en tête qu'en fait une taille max de structure c'est une dizaine ce qu'on souhaite vraiment très très fort c'est d'essaimer et donc ce que moi j'imagine c'est que si jamais il y a vraiment beaucoup de gens avec qui on a envie de faire l'Échappée belle on fera deux Échappées belles et ça sera ok et on a documenté beaucoup le fonctionnement de l'asso pour que un max de gens puissent faire la même chose si jamais ça leur donnait envie. Et donc, si vous allez sur onseleveetonsecasse.fr, il y a de la documentation pour faire la même chose que l'Echappée Belle ou pour découvrir les CAE qui sont un autre modèle qui est tout aussi chouette si jamais vous n'avez pas envie de vous faire chier à monter votre propre structure.

Karl Et est-ce que tu peux peut-être nous présenter On se lève et On se casse? Parce que je crois qu'on n'en a pas parlé depuis le début de l'épisode.

Maïtané C'est quoi ce site? Et j'aime bien le nom. C'est un site justement pour... On a dit travail sans capital ou travail sans subordination. Donc, c'est les deux modes qui nous semblent... Donc, nous, c'est avec Thomas Parisot, on a fait une conférence, puis ce site, qui liste. Thomas, il est en CAE, il explique en quoi c'est chouette. Moi, je suis en association que j'ai montée moi-même, j'explique en quoi c'est chouette. J'explique les limites. J'explique comment faire. Et puis, on a aussi listé tous les freins. Donc, on a dit comment on fait pour trouver des clients, comment on fait par rapport à l'argent, comment on fait si jamais je ne me sens pas prêt. On a essayé de lister un maximum de choses pour que les gens puissent faire un topo de leur situation. Ils se disent, bon, j'ai envie de changer mon rapport au travail parce que souvent je suis malheureux. Comment est-ce que je fais? Par quoi est-ce que je peux commencer? Et j'ai espoir que le site documente suffisamment de choses pour que les personnes puissent faire un espèce de bilan de leur situation et se dire, ok, le chemin il est par là. Et la prochaine chose que j'ai à faire, c'est cette étape-là, par exemple. Lister c'est quoi l'argent dont j'ai besoin et comment est-ce que je peux facturer des projets, par exemple.

Yaël Trop bien.

Karl On passe à la question d'expert?

Maïtané Allez.

Karl Aujourd'hui, pour la question d'experts, on reçoit à nouveau Matthieu Castin de la coopérative d'expertise comptable et de conseil Finacoop. Salut Matthieu. Salut. Et aujourd'hui, comme on recevait Maïtané et qu'on parlait de ces structures associatives qui reproduisent des modèles d'entreprise, une des questions qu'on a évidemment posées à Maïtané, c'était pourquoi ne pas être parti sur un modèle de scope ou un modèle de SCIC? Et la réponse de Maïtané, c'était parce que finalement, c'était un peu compliqué. En tout cas, une partie de la réponse. Donc, la question qu'on voulait te poser, notamment, c'est quoi ces modèles précisément de Scope et de SCIC? Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce que c'est qu'une Scope, ce que c'est qu'une SCIC, en quoi c'est différent? Et finalement, en quoi c'est différent aussi d'une entreprise classique?

Matthieu Et d'une asso? Oui, alors on a coutume de dire que la coopérative est un peu la troisième voie entre l'association et tous les autres organismes en but lucratif, fondation, fondod de dotation, où là, on parle de non lucrativité. Et les grands méchantes, si je caricature, sociétés de type SAS, SARL. Je n'ai rien contre elles, mais dans le droit, en tout cas, l'objet même de ces structures est de distribuer le bénéfice à ses membres. Donc, il y a une finalité lucrative, même pour les particuliers qui sont actionnaires de ces structures. même si ça a été atténué par des lois récentes sur l'ESS, sur les sociétés à mission, où on peut mettre d'autres choses que la recherche du lucre. Et les coopératives, historiquement, se sont construites un peu au milieu. Après, il y a plein de formes coopératives différentes, mais si on prend les plus connues, la SCOP, qui historiquement étaient les coopératives ouvrières, qui maintenant sont les coopératives de salariés, ou la plus récente SCIC, coopérative d'intérêt collectif, où là, on sent qu'on est plus proche encore des associations, parce qu'elle visait à précisément ne pas faire fi en tout cas des inconvénients de l'association notamment sur la capacité à structurer une gouvernance par catégorie d'associés, par collège, là où l'association est très très libérale, il suffit d'avoir un représentant légal ou encore la capacité à se structurer financièrement parce qu'un des défauts de l'association c'est aussi quand on a envie de lever de l'argent sous forme d'investissement d'aller voir des investisseurs des banquiers, etc. Donc si on est dans une posture à se développer sur du long terme, parfois on peut être freiné. Et aussi en termes d'image, le côté associatif parfois ne rassure pas les partenaires. Donc pour toutes ces raisons, on avait créé la SIC, alors qu'il y a les attributs aussi positifs de l'association. Par exemple, c'est la seule société dans le droit français qui peut avoir du bénévolat. C'est la seule société qui n'ait pas de droit public, donc qui est de droit privé, qui peut avoir des collectivités publiques au capital. Et quand on dit lucrativité limitée, on est bien dans la limitation des bénéfices qu'on peut redistribuer aux membres, des excédents. On parle d'excédent. Donc on voit qu'on est un peu entre deux. C'est pour ça que d'ailleurs les cycles sont pas mal en vogue aussi, y compris des associations qui ont à cœur soit de se transformer en SCIC, parce qu'elles n'ont aucun enjeu à rester en association, ça on pourra rentrer dans le détail, ou des associations qui veulent éviter le schisme avec l'asso d'un côté et la SAS, qu'elles détiendraient souvent exclusivement de l'autre pour gérer les activités lucratives, qui là, on retombe directement dans le côté très lucratif, a priori. Donc, on a envie de garder aussi les valeurs, dès lors qu'on hybride, on parle d'hybridation des modèles.

Karl Et justement, donc, Scope et Sik, je ne sais pas trop comment on doit le prononcer, ce sont deux formes de coopératives. Et donc, ce que tu dis, c'est la SCIC est plus proche du modèle associatif au sens où il peut y avoir des bénévoles. Est-ce que c'est la seule différence fondamentale?

Matthieu Alors, dans l'objet social aussi, qui, là, ça rappelle la philosophie de la SIC, Société coopérative d'intérêt collectif, SIC ou SCIC. Chacun a des adeptes de l'autre côté. On a un objet qui est d'agir dans l'intérêt collectif. Donc l'intérêt, c'est l'intérêt d'au moins trois catégories de sociétaires, d'associés. Ce n'est pas que la somme des trois, mais c'est aussi la capacité à définir un intérêt commun. Et il faut qu'il y ait un caractère d'utilité sociale. Donc là, on voit bien qu'on est orienté vers, entre guillemets, un objet vertueux. Là où les coopératives, historiquement, c'était aussi une des limites des modèles coopératifs, étaient tournées uniquement vers la satisfaction des besoins de ses membres. Donc, si on est une scope, ça va être les salariés. Si on est une coopérative de consommateurs, ça va être les consommateurs, les coop agricoles, pareil. Et ce qui peut créer un risque un peu d'entre-soi aussi, parce que souvent, c'est une catégorie de membres, finalement. Et on oublie un des piliers du monde coopératif, qui est agir aussi dans l'intérêt de la communauté et de ses parties prenantes. Donc, c'est là où la SICA a apporté cet enrichissement.

Yaël Et je pensais aussi, mais visiblement, ce n'est pas ce que tu sembles dire, que dans la SIC, tu n'étais pas obligé d'avoir une collectivité territoriale ou quelque chose comme ça.

Matthieu On n'est pas obligé. Il n'y a qu'un quart des SIC qui ont des collectivités. C'est une des idées reçues avec une autre idée reçue qui est c'est compliqué. J'avais les deux. Ça, ça peut être une réponse à apporter aussi à Maïtané. Moi, j'ai le coutume de dire qu'il faut désacraliser les coopératives, tu peux créer une scope avec deux associés et une SIC avec trois associés. Tu n'as pas besoin d'avoir dix collèges, dix catégories, des collectivités, etc. Et si tu as envie progressivement d'élargir ta base de sociétariat, ta communauté, tu le fais à hauteur de tes moyens et de tes envies.

Yaël Et quand, tout à l'heure, tu as parlé un moment des limites des associations, tu peux revenir un peu dessus? Sur le fait que parfois c'était aussi bien d'anticiper cette transition.

Matthieu Oui, alors la limite de l'association, il peut y avoir le côté gestion des intéressés, le fait de pas ou peu rétribuer les dirigeants. Alors soit on assume d'être fiscalisé, auquel cas on peut rémunérer les dirigeants, mais par contre ça nous prive de l'intérêt général, donc ça fait perdre quand même beaucoup d'avantages. À la fois on paye des impôts et en même temps on ne peut pas faire défiscaliser ses donateurs. Donc si on est une asso qui, dans le modèle économique, ne repose pas sur moins d'impôts et puis le don et le mécénat, j'ai envie de dire autant questionner soit rester en tant qu'asso en se disant on est très bien comme ça on paye des impôts et c'est simple comme ça soit se dire bon mais si on a envie aussi peut-être à un moment de se donner les moyens de changer d'échelle plus facilement de pouvoir lever des fonds plus facilement d'avoir des parties prenantes si demain on répond à des appels d'offres le caractère entrepreneurial qui peut être plus apprécié si on a une société autant créer une SCIC c'est pour ça qu'on a aussi beaucoup d'asso qui se transforment en SCIC voire des asso qui dès le début savent qu'elles vont se transformer à terme, donc on parle d'asso de préfiguration par exemple un tiers-lieu qui au début veut se créer très simplement et payer 45 euros la création de son association parce que c'est plus simple au début et qu'elle n'a pas envie de rendre des comptes au greffe ou maintenant au guichet unique et à un expert rentable, etc. Bon, elle peut faire pendant un an, deux ans, trois ans, dans son coin, ses affaires, et puis le jour où là, il y a besoin de rendre un peu plus de compte, etc. Elle peut totalement se transformer en SIC, au besoin de lever des fonds.

Karl C'est des modèles qui sont hyper intéressants. C'est vrai que nous, dans ma propre association, Designers Ethiques, on a regardé ces questions-là, on s'est interrogé sur est-ce qu'il fallait qu'on devienne justement une SCIC parce qu'on avait une activité économique qui, en fait, était assez... qui est prégnante, qui représente la majeure partie de nos budgets, et que effectivement, la logique de don était assez peu présente. Et finalement, aujourd'hui, je ne dirais pas qu'on ait un fonctionnement qui est similaire à celui de l'Échappée belle de Maïtané, parce qu'on n'est pas un regroupement d'indépendants. Mais en tout cas, j'aurais bien aimé avoir ton avis sur ce type de structure, telle que l'ont créé Maïtané et ses camarades. Est-ce que c'est quelque chose que tu as déjà vu avant Maïtané? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu accompagner à Finacoop? C'est quoi ton avis sur ce genre de structure?

Matthieu On a un peu tous les modèles sur des modèles qui font appel à l'esprit des indépendants, qui se regroupent pour mutualiser leurs forces. On a le modèle qui a été abordé des CAE, coopératives d'activité et d'emploi, qui est un peu le contre-modèle des auto-entrepreneurs, où là, tu as un statut d'entrepreneur salarié et maintenant obligatoirement associé au bout de trois ans. Tu as la triple qualité, ce qui est une révolution dans le droit social parce que tu n'as plus besoin de justifier du lien de subordination pour être salarié au sens plein du terme. Ça, c'était la révolution de la loi 2014. Tu as aussi des modèles, on a aussi des SARL qui font ça en société finalement classique, qui mutualisent. Donc, en général, tu as une compta générale et une compta analytique par entrepreneur. Et donc, on suit le résultat de chaque entrepreneur, comme dans les CAE. Et on rétribue, on rémunère les salariés entrepreneurs à hauteur du chiffre d'affaires qu'ils ramènent. Et le modèle associatif, comme l'Échappée belle, je ne l'avais jamais rencontré, mais pour moi, il est totalement possible.

Yaël Ça, c'est une bonne nouvelle quand même, Maïtané. Est-ce que tu voulais intervenir?

Maïtané Oui, du coup, peut-être pour préciser, Parce qu'après, tout ce que tu as dit, Matthieu, sur la gestion de salariés dirigeants, je voulais vérifier avec toi que tout ce que tu as dit, c'est dans le cas où on est d'intérêt général et pas fiscalisé. Et donc, du coup, ce n'est pas la même chose. Parce que nous, effectivement, on est une asso fiscalisée et qu'il n'y a pas d'intérêt général. Il n'y a pas de crédit d'impôt. Si on nous fait des dons, ce serait quand même trop facile. Et dans ces cas-là, c'est assez différent?

Matthieu Tout à fait, oui. Tu peux, en tant qu'asso fiscalisé, rémunérer tes salariés dirigeants sans limite.

Yaël Ça roule, merci. Merci beaucoup à tous les deux. Merci Matthieu, merci Maïtane de nous avoir fait découvrir ce modèle. Décidément, en ce moment, on est dans l'exploration des modèles limites de l'association entre l'épicerie autogérée et la forme association entreprise. Donc, merci de nous avoir accompagnés et d'avoir répondu à toutes nos questions pour cet épisode de Questions d'asso. Le podcast part et pour les asso. Et merci à vous surtout de nous avoir écoutés aussi. On espère que cet épisode vous aura été utile et que vous avez pris plaisir à l'écouter et franchement enfin c'est pas franchement c'est vraiment si cette discussion a fait écho soit des situations que vous connaissez ou que vous êtes en train d'explorer vraiment n'hésitez pas à nous les dire parce que c'est voilà c'est vraiment chouette de découvrir de nouveaux modèles et comme on l'a dit et comme on le redit à chaque épisode quand même un avantage de l'association c'est que c'est très souple et donc voilà donc explorer aussi cette souplesse je pense que c'est un des avantages enfin pas des avantages mais en tout cas des choses chouettes qu'on peut faire dans ce podcast. Donc, n'hésitez pas à nous écrire à hello.com questions au pluriel tiré asso.com et de toute façon, vous aurez bien sûr tout dans la description de l'épisode. Et pour rappel, vous pouvez nous suivre sur votre plateforme de podcast préférée sur SoundCloud, Spotify, Deezer, Apple Music ou Google Podcast et vous pouvez également vous abonner à notre newsletter. Voilà, vous retrouvez toutes les informations, les liens et les ressources de cet épisode sur le site web directement et dans la description de l'épisode. Et l'enregistrement aujourd'hui a été réalisé avec le soutien de la MAIF. Alors pas l'enregistrement, mais l'épisode, la programmation, mais bref, l'enregistrement un petit peu aussi. La métropole de Lyon. Et aujourd'hui, c'était Guillaume Desjardins de Synchrone TV qui était à la réalisation. Et la jolie musique que vous allez maintenant entendre est l'œuvre de Sound of Nowhere. Merci et à très vite.